EPIQUE EPOQUE
laroutenapoleon@yahoo.fr
21, av du général Lanrezac - 35400 SAINT-MALO
Brienne-le-Château
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Château de Brienne. Bataille du samedi 29 janvier 1814. Blücher a failli être pris pendant son repas. Il réussira à filer par les sous-sol.

Montmirail
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Château de Montmirail, où Napoléon passe la nuit du lundi 14 février 1814, après les 4 victoires de Montmirail, Champaubert, Château-Thierry et Vauchamps.
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La Colonne de Montmirail, Campagne de France, février 1814
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La Ferme des Grenaux où s'est illustré le maréchal Ney lors de la bataille de Montmirail
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Statue du maréchal Ney, à Metz
Montereau-Fault-l'Yonne
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Montreau-Fault-l'Yonne, février 1814
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Positions lors de la bataille du Montereau, vendredi 18 février 1814
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5 mars 1814, bataille de Berry-au-Bac
Craonne. Mars 1814
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Statue de Napoléon à Craonne. Bataille le 7 mars 1814
Bataille de Paris
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Carte de la Bataille de Paris, fin mars 1814
Sens. 30 mars 1814
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Dernier repas à Sens...
Rambouillet
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Château de Rambouillet
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1ère étape du périple de Marie-Louise, le mardi 29 mars 1814, quand elle quitte Paris, sur ordre de Joseph...Ce jour-là, Napoléon est à Troyes. Il sera à Juvisy le lendemain. Trop tard...
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Marie-Louise reste au château de Rambouillet, attendant des nouvelles de Paris. Elle y retrouvera son père, le 13 avril. Le château est occupé par les Russes. Elle est désormais aux mains de l'Autriche et son fils peut être considéré comme otage de Metternich.
Talleyrand
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Talleyrand, chef du Gouvernement provisoire...
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Talleyrand et son château de Valençay
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La chapelle où cet évêque d'Autun repose en paix, désormais...
Châtillon-sur-Seine
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Châtillon-sur-Seine, la ville du maréchal Marmont.
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Le jeune général Bonaparte fera un premier passage à Châtillon le 18 mai 1795, accompagné de Marmont et Junot, ses aides de camp, depuis le siège de Toulon. Ils descendent chez le père de Marmont. En 1796, après son mariage avec Joséphine, allant en Italie pour sa première campagne, il repasse par Châtillon et passe 2 jours chez les Marmont...
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Châtillon-sur-Seine est également la ville où s'est déroulé le Congrès de Châtillon, du 4 février au 17 mars 1814, où Caulaincourt a joué un rôle prépondérant. A Châtillon, Napoléon aurait-il dû faire la paix ?
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Le maréchal Marmont repose, ici, au cimetière Saint-Vorles à Châtillon.
Les Montebello
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Louise Guéhenneuc, épouse du maréchal Lannes, duchesse de Montebello, avec ses enfants. Après la mort de son mari, tué à la bataille d'Essling, elle détestait Napoléon, qui pourtant la nommera dame d'Honneur de Marie-Louise. Elle y fera sa fortune, mais fera tout pour l'éloigner de l'île d'Elbe, où elle ne voulait pas moisir
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Statue du maréchal Lannes, à Lectoure, sa ville natale, dans le Gers.
Corvisart
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Excellente biographie du docteur Nicolas Corvisart par le docteur Paul Ganière, le spécialiste de Sainte-Hélène.
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Dans ce livre, ces illustrations : Page de gauche, peinture de Marie-Louise qui peignait à l'occasion et jouait aussi du piano. Page de droite portait des compères. En effet, la maréchale Lannes et le docteur Corvisart avait, par hasard, été marraine et parrain lors d'un baptême et depuis s'appelait compère...Ils feront tout pour éviter d'aller à l'île d'Elbe et Corvisart imposera à Marie-Louise une cure thermale à Aix-en-Savoie.
Cambacérès
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Statue de Régis Cambacérès, 2° Consul, puis Archichancelier de l'Empire à Montpellier. C'est lui qui véritablement remplace l'Empereur lorsqu'il part en Campagne. Il quittera Marie-Louise à Blois.
Châteaudun
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Le château des Coudreaux est situé en bordure de la RN 10, entre Chartres et Châteaudun, après Flacey, sur la gauche, avant d'arriver à Marboué. Acheté en 1808 par le maréchal Ney, quiy séjourna pendant près de sept ans, dès que ses campagnes lui en laissaient le loisir. En 1825, les Coudreaux devinrent la propriété d'un autre grand soldat de l'Empire, Honoré-Charles Reille, gendre de Masséna.
Angerville
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Relais de poste d'Angerville, devenu l'Hôtel de France. Avril 1814, partant d'Orléans à Rambouillet pour une entrevue avec son père, Marie-Louise est désormais escortée par les cosaques de Schouvaloff. C'est est fini de la liberté...
Lettres de Marie-Louise

Orléans, 10 avril 1814, au matin.
Mon cher Ami.
J'ai reçu tes deux lettres par M. Anatole Montesquiou, je vois avec peine tous tes chagrins, tout ce que je désire c'est de pouvoir te consoler, et de te prouver combien je t'aime. Je suis persuadée que je pourrais beaucoup sur l'esprit de mon père, je viens de lui écrire pour le prier de me permettre d'aller le voir et je suis décidée de ne pas partir avec toi avant ce moment. Je suis convaincue que je pourrai beaucoup sur son esprit et que j'agirai là dans l'intérêt de ton fils. Si je ne peux pas le voir de quelques jours, je te rejoindrai après et, je suis convaincue, avec de meilleures nouvelles que l'on ne pense, car tu ne doutes pas de mon tendre attachement et de tous les soins que je mettrai à te consoler. Je ne t'envoie pas la liste des personnes pour le voyage. Mme de Montesquiou et la Duchesse de Montebello sont décidées à nous accompagner jusque là et puis de retourner près de leurs enfants après. Au reste, je te répète encore une fois, mon cher Ami, que je suis décidée à ne pas partir jusqu'après que j'aurai vu mon père. Je crois que c'est mon devoir, tes intérêts et ceux de mon fils. D'ailleurs, mes forces physiques et morales ont trop souffert par les inquiétudes que j'ai éprouvées pour toi, je suis malade, et dans un état à ne pas pouvoir bouger de chez moi, mais ce qui me chagrine le plus, c'est de voir tous tes malheurs, tout ce que je désire, c'est de les partager avec toi, en attendant, je t'embrasse et t'aime de tout mon coeur. Ta fidèle Amie Louise.

Si tu veux me laisser aller voir mon père, je suis sûre, presque sûre, que j'obtiendrai la Toscane.

ON NOUS JOUE...
" Mi-chemin Orléans Rambouillet, 12-13 avril 1814. Je t'écris un mot par un officier polonais qui vient de m'apporter à Angerville ta lettre, tu sauras déjà que l'on m'a fait partir d'Orléans et qu'il y avait des ordres de m'empêcher d'aller te rejoindre, même à recourir à la force. Sois sur tes gardes, mon cher Ami, on nous joue, je suis dans des inquiétudes mortelles pour toi, mais j'aurai du caractère en voyant mon père, je lui dirai que je veux absolument te rejoindre, et que je n'entends pas qu'on me fasse violence pour cela. Nous avons emporté ce que nous pouvions du trésor, je te le ferai passer par tous les moyens possibles, mais je suis sûre plutôt que je te l'apporterai moi même. Ton fils dort dans ce moment, ma santé va mal. Je tiendrai ferme de ne pas aller plus loin que Rambouillet, fies-toi à mon amour et à mon courage dans cette occasion. Je t'aime et t'embrasse tendrement. Ton Amie, Louise "
Rambouillet, le 16

Rambouillet, 16 avril 1814, Mon cher Ami. Mon père vient d'arriver il y a 2 heures, je l'ai vu sur le champ, il a été très tendre et bon pour moi, mais cela a été anéanti par le coup le plus affreux qu'il ait pu me porter, il m'empêche de te rejoindre, de te voir, il ne veut pas me permettre de faire le voyage avec toi. J'ai eu beau lui représenter que c'était mon devoir de te suivre, il m'a dit qu'il ne le voulait pas et qu'il voulait que je passasse deux mois en Autriche et qu'après je m'en aille à Parme, d'où j'irai te voir. Ce dernier coup me tuera, tout ce que je désire, c'est que tu puisses être heureux sans moi, car pour moi, il m'est impossible d'être heureuse sans toi. C'est M. de Flahaut qui t'apportera cette lettre, je te prie, donne-moi de tes nouvelles aussi souvent que possible, je t'écrirai tous les jours, et je penserai toujours à toi. Aies bon courage, au mois de Juillet j'espère pouvoir aller te voir, je ne l'ai pas dit à ces Messieurs, mais j'y tiens beaucoup. Ma santé va de plus mal en plus mal. Je suis si triste que je ne sais que te dire, je te prie encore une fois de ne pas m'oublier et de croire que je t'aimerai toujours et que je suis bien malheureuse. Je t'embrasse et t'aime de tout mon coeur. Ta fidèle Amie Louise 

Rambouillet, dimanche 17

Rambouillet, dimanche 17 avril 1814. Mon cher Ami. J'ai passé une nuit bien triste aujourd'hui, le coup qui me sépare de toi pour quelques mois, m'est si douloureux que je ne puis pas encore m'y faire et que je ne m'y résignerai jamais. Je suis bien triste de l'idée de ne pas te voir, le Duc de Vicence aura pu te dire tout mon chagrin, car je le lui ai bien témoigné. Comme tu en dois aussi souffrir, je sens que je t'aurai consolé, que j'aurais adouci tes chagrins, j'aurais apporté avec moi dans ta retraite le même dégoût des hommes que tu me dis d'avoir, j'aurais mis tout mon bonheur à te rendre heureux et voilà qu'on vient me ravir cette seule consolation, aussi suis-je bien malheureuse, mais crois, mon cher Ami, qu'avant quatre mois nous serons réunis. Le Duc de Vicence a du t'apporter de l'argent, je garderai, si tu permets, la quantité suffisante pour faire mon voyage. Je viens de voir mon père qui m'a montré lui même l'intention de me promettre de te rejoindre. J'ai déclaré à mon père que je voulais me mettre à la campagne, arrivée à Vienne et que là, je ne recevrais personne, que j'étais trop triste et malheureuse pour qu'il puisse l'exiger de moi. Il me l'a promis, je veux aussi éviter toutes les cours d'Allemagne et j'aime mieux faire un détour de quelques lieues que de m'y exposer. On dit que l'Empereur Alexandre viendra me voir après demain, à quelles humiliations sommes-nous encore exposés ? Je partirai jeudi d'ici, je ne sais plus encore la route que je suivrais, je te le dirais demain, car je veux t'écrire tous les jours... Ton fils t'embrasse, il se porte bien, il a été bien aimable pour son grande père, il demande toujours après son Papa, cela me fend le coeur, et quand il me voit pleurer, il demande si j'ai du chagrin. Ma santé n'est pas bonne. Je ne sais pas si je ne devrais pas désirer mourir, puisque je ne suis pas avec toi. Crois au moins que je t'aime bien tendrement et que je suis pour la vie. Ta fidèle Amie Louise.

Le 18, au matin
Rambouillet, 18 avril 1814 (au matin)
Mon cher Ami.
Je viens de voir M de la Place que tu viens de m'envoyer, avec une bien bonne lettre de toi qui m'a bien touchée et bien émue. Il te dira comme j'ai envie de te rejoindre et comme j'y compte dans peu de mois me trouver dans l'île d'Elbe avec toi. J'ai besoin de cela pour mon bonheur. Je suis au moins contente de savoir que tu as pris ton grand courage dans cette occasion, cela me console un peu du chagrin que j'ai. Je te promets de t'écrire tous les jours, et si je ne peux pas les envoyer journellement, j'en enverrai plusieurs à la fois d'un autre côté. Je te prierai aussi de me donner bientôt fréquemment de tes nouvelles. Je tâcherai encore de négocier chez mon père la permission d'aller tout de suite aux eaux, je crains que je ne l'obtiendrai pas, mais enfin je tenterai toujours, sans cela je m'y rendrai au mois de Juin, et après dans l'île d'Elbe.
J'ai fait la commission à Corvisart, il en a été bien touché, il me prie de t'exprimer tout le chagrin qu'il a de ne plus te voir, il t'est bien sincèrement attaché et il le prouve bien dans ce moment où tout le monde t'abandonne et m'abandonne et où il reste avec moi. Il t'enverra toutes les semaines au moins une fois un bulletin de ma santé. En attendant, il me charge de te dire qu'il est persuadé que les eaux d'Aix et le repos me rétabliront dans peu de mois entièrement. Ton fils se porte bien, il t'embrasse tendrement, sois bien persuadé que je le soignerai bien et que je te le ramènerai bien portant et bien intelligent. Ma santé est passable, aujourd'hui j'ai encore de la fièvre toutes les nuits, mais cela va un peu mieux. Je tâcherai toujours de te faire passer de l'argent autant que possible, car je crois que cela te sera nécessaire. Je partirai toujours jeudi, en attendant, je t'écrirai encore. Crois, mon cher Ami, qu'il ne se passe pas de moment dans la journée où je ne pense à toi et où je ne partage tes peines. Je t'embrasse tendrement,
Ta fidèle Amie Louise.
Rambouillet, le soir

Rambouillet, 18 avril 1814 (au soir)
Mon cher Ami.
Je reçois dans de moment ta lettre d'aujourd'hui, tu es bien bon de me donner aussi souvent de tes nouvelles, cela me console et me rend bien heureuse, j'ai besoin au moins de la consolation de te savoir bien portant. J'ai encore pour demain un fier coup à soutenir, mon père m'envoie l'Empereur Alexandre. Aurait-on jamais cru que je sois destinée à voir encore celui qui nous a fait tout le mal qui nous est arrivé, enfin je vois qu'il faut se résigner à tout, je ne serai donc contente que quand je serai avec toi loin de tous les hommes, c'est là que je serai heureuse. Mon père m'a envoyé son grand écuyer aujourd'hui pour me montrer l'itinéraire de la route qu'il m'a conseillé jusqu'à Vienne, je tâcherai cependant encore de le persuader de me laisser aller aux eaux, je le lui ai déjà dit plusieurs fois, mais il ne me laisse pas faire ce que je veux, et nous sommes ici sous la sauvegarde des troupes autrichiennes qui peuvent faire de nous ce qu'elles veulent. Je dirai malgré cela que j'ai besoin d'aller aux eaux, tout de suite. Tu me dis de parler de la conduite du Prince Aldobrandini et de Beauharnais, ce dernier est resté longtemps indécis et il n'est parti qu'après moi d'Orléans. Mais le Prince est parti le lendemain de mon arrivée à Orléans, sans me demander même de prendre congé de moi, après cela je ne sais rien de leur conduite et de ce qu'ils ont dit et fait dans le salon, car je n'ai presque pas vu mon service. J'ai donné les ordres pour l'argent, je crains qu'il ne soit difficile de se procurer à Bâle autant de lettres de change que tu le désires, mais nous ferons notre possible. Ma santé est passable, j'ai essayé de monter à cheval pendant peu d'instants pour pouvoir prendre l'air, cela m'a très fatiguée. Ton fils se porte bien, tous les Autrichiens qui l'ont vu le trouvent superbe, il était un peu enrhumé ce matin, mais ce soir il va assez bien. Je te prie de penser un peu demain à moi pendant le moment où je serai obligée de recevoir l'Empereur de Russie, cette idée me fait saigner le coeur. Je t'embrasse et t'aime de tout mon coeur.
Ta fidèle Amie Louise.

Le Tsar Alexandre
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Le Tsar fera une visite à Rambouillet. Visite imposée par Metternich, dans le but de détricoter le mariage de Napoélon et de Marie-Louise...
Le roi de Prusse
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Frédéric-Guillaume III, époux de la reine Louise. Durant le Congrès de Vienne, après que le Nonce eut évoqué la nullité du mariage de Napoléon, la rumeur court à Vienne d'un mariage du roi de Prusse devenu veuf, avec Marie-Louise...
Lettre du 20 avril
Rambouillet, 20 avril 1814,
Mon cher Ami.
Je reçois dans ce moment deux de tes lettres par Baillon. Je te remercie bien de me donner aussi souvent de tes nouvelles, cela m'est une grande consolation et tu sais que j'en ai besoin dans ce moment où je suis séparée de toi, peut être pour quelques mois.
Sois toujours sûr que je ferai mon possible pour te rejoindre, et j'ai déjà arrangé mon plan de campagne pour cela, et si tu me promets de ne m'en pas parler, je vais te le communiquer. Je m'en vais à présent en Autriche, parce que mon père le désire vivement et que je vois que si je n'y allais pas, il m'amènerait de force. Je lui ai déclaré que je veux aller tout de suite à la campagne et que je n'y verrai que ma famille, et personne d'autre; mon père m'a dit qu'au mois de Juin il aurait à Vienne tous les princes d'Allemagne, l'Empereur Alexandre et le Roi de Prusse; je lui ai dit que j'irai alors tout de suite aux eaux, que j'en avais très grand besoin pour ma santé et que cela me fournirait d'ailleurs le prétexte de ne pas recevoir des personnes dont la vue devait m'être désagréable, et que je comptais me rendre de là à Parme et à l'île d'Elbe...
J'ai eu la visite de l'Empereur Alexandre, il m'a beaucoup parlé des événements qui se sont passés, pour me prouver que ce n'était pas sa faute, si nous étions réduits à l'état où nous sommes. Il m'a fait de belles protestations, et il m'a demandé si l'on ne me menait malgré moi à Vienne, et qu'il l'empêcherait dans ce cas; je lui ai dit que j'étais contente de me prêter dans cette occasion aux volontés de mon père, qu'après j'étais décidée à ne pas y rester et à conserver une indépendance, à laquelle je tenais extrêmement, et que d'ailleurs je voulais aller te voir. Ce dernier article ne lui a pas plu, car il m'a répondu d'un ton fort aigre, " mais, Madame, on ne vous en empêchera pas, quoique peut être vous avez tort d'aller dans l'île d'Elbe ". Je lui ai dit que mon devoir et que mon inclination me portait à cette démarche et que j'étais sûre de ne jamais m'en repentir. Il a mis une grande affectation à ne pas me parler de toi; du reste il a beaucoup parlé surtout pendant le dîner, et après il a été voir ton fils qu'il a trouvé superbe, il est parti à 4 heures. J'ai tâché de montrer bien du courage devant lui mais j'avais la mort dans le coeur. On m'a dit que Baillon vient chercher le reste de l'argent. Je m'empresserai de le lui donner mais tu devrais bien me laisser de quoi faire le voyage, il me serait dur d'être obligé d'en demander à mon père, surtout dans un moment pareil. M. de Cussy, préfet du palais, a demandé à être attaché à ma personne. M. de Beausset a demandé à rester 6 mois avec moi. La Duchesse Montebello, Mme Brignole, M. Caffarelli, Beausset, St Aignan sont les seuls qui ont demandé à m'accompagner dans mon voyage, à Vienne.
Ton fils t'embrasse, il se porte très bien, il est gai et bien portant, j'en prends un grand soin et je voyagerai à petites journées afin qu'il ne lui arrive rien...M. Anatole Montesquiou m'apporte dans ce moment ta lettre, je l'ai beaucoup questionné sur ton compte, j'ai été affligé de voir que Constant t'ait abandonné, comme nous avons appris à connaître des gens ingrats dans ce monde. Je m'en vais tâcher de négocier encore l'affaire pour les eaux. J'espère y réussir, je serais bien contente que cela soit possible, je ne connais pas d'idée plus insupportable que celle de passer toute ma vie en Autriche. Je t'écrirai le résultat de mes négociations, le général Caffarelli qui va faire une tournée ce soir à Paris, se chargera de porter ma lettre à mon père, dans laquelle je lui demande aussi de faire en sorte que je n'ai pas besoin de voir le Roi de Prusse. Je te prie de croire que je prendrai tous les moyens possibles pour te donner de mes nouvelles, en attendant je t'aime et t'embrasse de tout mon coeur
Ta fidèle Amie Louise »
Comtesse Montesquiou
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Madame de Montesquiou, la Maman Quiou...Son fils Anatole est aide de camp de l'Empereur
Château de Courtanvaux
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Château de Courtanvaux à Bessé-sur-Braye, dans la Sarthe. Château de la famille Montesquiou.

http://unesarthoise.blog50.com/archive/2015/01/30/femme-en-sarthe-4-180353.html

Musée de Courtanvaux
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Maman Quiou finira sa vie dans son château, plein de souvenirs. C'est un musée où l'on peut voir des jouets de l'Aiglon. http://www.chateaudecourtanvaux.com/

 

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Vient de paraître la seule biographie de la maréchale Lannes.
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A l'île d'Aix, Catherine Frot est venue faire une lecture des lettres amoureuses de Napoléon...
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La sépulture de Marie-Louise à Vienne
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Marie Waleska, souvent appelée " l'épouse polonaise "...
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Greta Garbo dans le rôle de Marie Waleska, avec Charles Boyer.
CAPITULATION de JOSEPH et de MARMONT - MARS 1814
La Campagne de France de 1814 touche à sa fin. Le mois de février a vu les armées françaises voler de victoire en victoire : Brienne, Champaubert, Montmirail, Vauchamps, Montereau, Reims, après la sévère défaite de Marmont à Laon, le 10 mars. Reims est la dernière grande victoire de Napoléon, le 13 mars, où 8.000 hommes écrasent les 15.000 Russes de Saint-Priest, mettant 6.000 soldats russes hors de combat sans en perdre plus de 700. Schwarzenberg écrit : "J’avoue que je tremble. Je me demande s’il est sage d’accepter la batille car, si je suis vaincu, quel triomphe pour Napoléon et quelle humiliation pour les souverains forcés de repasser le Rhin. "…Le 20 et 21 mars, ce sera la défaite d’Arcis-sur-Aube. Augereau, qui devait promptement monter sur les arrières des Coalisés, est battu à Limonest, près de Lyon. Le 24 mars, conseil de guerre des Alliés à Sommepuis, ils ont intercepté une lettre de Napoléon indiquant son plan et une lettre de Savary à Napoléon, lui disant que les ennemis du régime s’agitent dans l’ombre à Paris. Cette lettre confirme l’appel de Talleyrand disant au Tsar de marcher directement sur Paris. " Cela est inconcevable, la lenteur autrichienne n’a jamais mieux mérité de devenir proverbiale." Alexandre emporte la décision de prendre la route de Paris sans s’occuper de Napoléon, en route vers Saint-Dizier. Le 25, double défaite de La Fère-Champenoise : Marmont et Mortier sont battus et les Gardes nationaux du général Pacthod résistent, dans les marais de Saint-Gond, sous les yeux du Tsar, aux cris de " Vive l’Empereur ". Le 26, entre Wassy et Saint-Dizier, Napoléon extermine Winzingerode envoyé en reconnaissance contre lui par Schwarzenberg. Napoléon s’aperçoit que c’est un leurre et apprend la marche Alliés sur Paris, mais décide de poursuivre l’exécution de son plan de marcher vers l’est, être rejoint par les garnisons des places fortes d’Alsace et de Lorraine et couper les lignes des Coalisés aventurées vers Paris en leur tombant sur le dos. Mais il reçoit une lettre de Lavalette, directeur des postes, un de ses fidèles : " La présence de l’Empereur est nécessaire à Paris s’il veut empêcher que sa capitale soit livrée à l’ennemi. Il n’y a plus un moment à perdre. "

Aux Conseils de Régence, Marie-Louise, jeune femme de 23 ans, n’a pas de pouvoir face aux hommes rompus aux choses de la politique. Elle préside, mais ne dit rien et Savary n’est pas aidé. Cambacérès, inquiet, est fatigué. Joseph n’attend que la paix, Clarke fait une foule de notes qu’il envoie partout et, parce qu’il a écrit, croit avoir agi. Hortense allant aux Tuileries voit l’Impératrice se rendant au Conseil où l’on doit discuter de son départ. Hortense s’efforce par mille façons de la persuader de ne JAMAIS quitter Paris. Elle lui dit qu’en s’éloignant elle peut quand même tomber aux mains de l’ennemi, tandis que sa présence encouragerait tout le monde. Dans Paris, seule, elle ne court aucun risque, mais sur les routes… Elle lui parle encore quand Joseph entre. Le roi Joseph a convoqué le Conseil de Régence, à 8 h 30 du soir, pour savoir si le Gouvernement doit quitter Paris. Il y a Cambacérès, Lebrun et Talleyrand, Lacépède, président du Sénat, le Grand juge Molé tous les ministres sauf Maret et Caulaincourt qui sont sur le terrain. Clarke fait un exposé de la situation militaire. Il énumère les troupes qui se trouvent à Paris et environs sans toutefois parler des 10.000 hommes sur la route de Versailles qui, dans la pensée de ce ministre, sont censés protéger le départ de l’Impératrice… Il montre que le peuple est disposé à se battre mais manque d’armes, mais il ne mentionne pas les 54.000 fusils réparés à neuf qui sont à l’arsenal de Paris, ni les 250 canons montés sur leur affût, avec caissons de munitions qui sont dans le Champ-de-Mars. Il dit les fortifications inachevées et les portes défendues par des palissades. Boulay de la Meurthe, qui a écouté Clarke avec impatience, dit tout net qu’il ne faut pas que l’Impératrice et le Roi de Rome abandonnent la capitale, car ce serait le signal de la débandade, alors qu’il faut voir une sauvegarde dans la fille et le petit-fils de l’Empereur d’Autriche. Talleyrand insiste sur le danger que présente l’abandon de la capitale par la Régente. Il déclare que le départ de Marie-Louise préparerait la Révolution, qui serait opérée au profit des Bourbons avec l’aide des Coalisés. Quelque temps après, un ami lui exprima sa surprise de son intervention. Talleyrand lui répondit : " Je savais que l’Impératrice se méfiait de moi. J’ai été pour qu’elle restât afin qu’elle partit ! ". De toutes façons, Talleyrand ne risque rien, il joue sur les deux tableaux :  la Régence avec lui comme tuteur ou la Restauration des Bourbon avec lui Premier ministre. On vote une première fois. Toutes les voix se portent pour que Marie-Louise reste sauf celle de Clarke. On vote une seconde fois. Sauf Joseph et Clarke, tout le Conseil est unanime pour que l’Impératrice reste. Contre l’avis général, Joseph fait décider le départ de Marie-Louise et de petit roi de Rome pour le lendemain. Pour cela il sort de sa poche une lettre de Napoléon, datée du 8 février : " Si par des circonstances que je ne puis prévoir, je me portais sur la Loire, je ne laisserais pas l’Impératrice et mon fils, parce que dans tous les cas, il arriverait que l’un et l’autre seraient enlevés et conduits à Vienne. Cela arriverait bien davantage si je n’existais plus. S’il arrivait bataille perdue et nouvelle de ma mort, vous en seriez instruit avant mes ministres. Faites partir l’Impératrice et de Roi de Rome pour Rambouillet. Ordonnez au Sénat, au Conseil d’état et à toutes les troupes de se réunir sur la Loire. Laissez à Paris ou le préfet ou un commissaire impérial ou un maire. Soyez certain que dès ce moment l’Autriche serait désintéressée et qu’elle emmènerait l’Impératrice avec un tel apanage et sous prétexte de la voir heureuse on ferait adopter aux Français tout ce que le Régent d’Angleterre et la Russie pourraient leur suggérer. L’intérêt même du pays est que l’Impératrice et le roi de Rome ne restent pas à Paris parce que l’intérêt ne peut être séparé de leur personne et que depuis que le monde est monde, je n’ai jamais vu qu’un souverain se laissât prendre dans les villes ouvertes. Or, si je vis, on doit m’obéir et je ne doute pas qu’on s’y conforme. Si je meurs, mon fils régnant et l’Impératrice régente doivent pour l’honneur des Français de ne pas se laisser pendre et se retirer au denier village avec leurs derniers soldats. L’Impératrice et le roi de Rome à Vienne ou entre les mains des ennemis, vous et ceux qui voudraient se défendre seraient rebelles. Quant à mon opinion, je préférerai qu’on égorge mon fils plutôt que de le voir jamais élevé à Vienne comme prince autrichien et j’ai assez bonne opinion de l’Impératrice pour être persuadé qu’elle est de cet avis autant qu’une mère et une femme peuvent l’être. Je n’ai jamais vu représenter Andromaque que je n’ai plaint Astyanax survivant à sa maison et que je n’ai jamais regardé un bonheur pour lui de ne pas survivre à son père. " Cette lettre du 8 février est vieille et les membres du Conseil disent qu’elle ne s’applique plus aux circonstances actuelles. On vote une troisième fois.

Mais il y en a une deuxième lettre, du 16 mars, au lendemain de la victoire de Reims : " Mon frère, conformément aux instructions verbales que je vous ai données et à l’esprit de toutes mes lettres, vous ne devez pas permettre que, dans aucun cas, l’Impératrice te le roi de Rome tombent entre les mains de l’ennemi. Je vais manoeuvrer de manière que qu’il soit possible que vous fussiez sans nouvelles plusieurs jours. Si l’ennemi avançait sur Paris avec des forces telles que toute résistance devînt impossible, faites partir dans la direction de la Loire, la Régente, mon fils, les grands dignitaires, les officiers du Sénat, les présidents du Conseil d’Etat, le baron de la Bouillerie et le Trésor. Ne quittez pas mon fils et rappelez-vous que je préférerais le savoir dans la seine plutôt que dans les mains des ennemis de la France. Le sort d’Astyanax, prisonnier des Grecs, m’a toujours paru le plus malheureux de l’Histoire. ". Là, toute l’opposition tombe et il est décidé le départ pour le lendemain. Boulay de la Meurthe dit à Savary ministre de la Police, qui a déjà envoyé sa famille et son mobilier dans ses terres du Midi : " Si j’étais ministre de la Police, demain matin Paris serait insurgé et l’Impératrice ne partirait pas." Savary ne bouge pas. Les alliés sont à Bondy où ils tiennent conseil. La marche sur Paris a été si improvisée qu’ils n’ont plus de munitions et de ravitaillement, que pour deux jours…A l’issue de ce Conseil du dimanche 27 mars, Marie-Louise hésite. Joseph, Clarke et Cambacérès qui s’affole à l’idée de quitter Paris pour courir sur les routes, la raccompagne dans ses appartements parlant des graves inconvénients du départ. Ils lui disent qu’elle seule a autorité pour décider. " Mais alors dites-moi ce que je dois faire et je le ferai. Vous êtes mes seuls vrais conseillers obligés. C’est à vous de m’apprendre comment je dois interpréter les volontés de mon époux. " Joseph et Cambacérès n’osent pas conseiller la désobéissance à Napoléon mais décident que l’on se conforme à ses ordres si le péril est imminent. Il est décidé que Joseph et Clarke feront une reconnaissance militaire autour de paris et que sur leur avis seulement l'Impératrice partirait. Marie-Louise fait dire à Caffarelli par la maréchale Lannes : " Que tout le monde soit prêt chez moi à partir de 6 heures du matin, mais qu’on ne vienne pas au Palais avant qu’elle fasse dire de s’y rendre, que Sa Majesté attend des nouvelles de la nuit et que, s’il n’en arrive pas de fâcheuses, elle ne fera pas renter chez elle avant 9 heures du matin. " Voyant alors Hortense qui attend dans un salon voisin, Marie-Louise lui dit : " Je pars et je vous conseille d’en faire autant, car le ministre de la Guerre assure qu’il est impossible de défendre Paris. " Hortense lui répond : " Au moins, ma soeur, vous savez qu’en quittant Paris, vous neutralisez la défense et qu’ainsi vous perdez votre couronne. Je vois avec plaisir que vous en faites le sacrifice avec beaucoup de résignation. " L’Impératrice lui dit tout bas : " Vous avez peut-être raison, mais on vient de le décider ainsi et si l’Empereur a un reproche à faire, ce ne sera pas à moi." Pendant le reste de la nuit on fait les préparatifs de départ, on emballe l’argenterie, les diamants de la couronne et ceux de l’Impératrice.

Lundi 28 mars, Napoléon, à ce moment là, est à Saint-Dizier, qu’il quitte pour Doulevant où il reçoit, à son arrivée à 17 heures 30, ce message de Lavalette réclamant sa présence à Paris. Ce même jour, à 6 heures du matin, Joseph vient aux Tuileries et fait dire à Marie-Louise qu’il va faire une reconnaissance à la Villette pour savoir ce qui se passe et que s’il n’envoie rien dire, il faudra partir. A 7 heures, l’Impératrice en costume de voyage attend dans ses appartements avec son fils, la maréchale Lannes, Mme de Montesquiou, Mmes de Luçay, de Montalivet et de Castiglione, la jeune nouvelle épouse du maréchal Augereau, Adélaïde de Bourlon de Chavange, à qui Napoléon a demandé à Marie-Louise d’écrire à son mari, inactif à Lyon, de mettre ses bottes de Castiglione pour prendre les Autrichiens à revers. A 8 heures, les officiers de la Garde Nationale de service au Palais demandent audience à l’Impératrice pour la supplier de ne pas partir. Marie-Louise, touchée aux larmes, dit la volonté de l’Empereur et pourtant retarde l’heure en gagnant du temps toujours perplexe, ne sachant qui faire, partagée entre désobéir à napoléon et le perdre en lui obéissant. Elle espère qu’un événement fortuit l’oblige à rester. Un peu avant 9 heures, un officier donne l’ordre de rentrer les voitures rangées devant le Pavillon de Flore, autour desquelles des curieux commencent à s’amasser. Un domestique court porter un contrordre. L’Impératrice attend avec impatience le retour de Joseph. Elle rentre un moment dans sa chambre, se jette son chapeau sur son lit et se laisse tomber dans une bergère, se met à pleurer la tête entre les mains. On l’entend répéter dans ses sanglots : " Mon Dieu ! Qu’ils décident donc qu’ils finissent cette agonie ! " Marie-Louise envoie un de ses officiers à Clarke qui conseille le départ. Elle ne se décide pas encore. Jérôme est annoncé qu’elle reçoit compte tenu des circonstances. D’un ton bref et autoritaire il signifie à sa belle-sœur qu’elle ne doit pas partir. Elle lui répond qu’elle attend l’avis de Joseph, qui ne lui envoie aucune nouvelle, par aucun des vingt officiers qu’il a avec lui. Elle renvoie Cafffarelli chez Clarke qui lui dit que si on ne part pas tout de suite les routes vont être coupées. A 10 heures 30, un nouveau message annonce qu’il n’y a plus de temps à perdre si on ne veut pas tomber aux mains des cosaques. L’Impératrice décide de partir. Mais le petit roi de Rome, qui comprend tout, s’accroche aux meubles et crie à sa mère : " N’allez pas à Rambouillet ! C’est un vilain château. Je ne veux pas m’en aller. Puisque Papa n’est pas là c’est moi qui suis le maître, c’est moi qui commande ! " Canisy doit le prendre dans ses bras et le porter trépignant dans la berline de l’Impératrice. Les voitures défilent lentement devant une centaine de curieux silencieux et tristes stationnant devant le guichet du Pont-Royal. Dans les dix berlines de ville à armoiries se trouvent l’Impératrice, le Roi de Rome et une suite nombreuse. Mmes de Luçay, de Castiglione, Brignole, de Montalivet, M. de Beauharnais et le prince Aldobrandini, deux chambellans MM. de Gontaut et d’Haussonville, deux préfets du Palais, Cussy et Bausset, le préfet des cérémonies Seyssel le docteur Corvisart, aux portières les écuyers d’Héricy et Lamberty. Pour le roi de Rome, sa gouvernante Mme de Montesquiou avec Mmes de Boubers et de Mesrigny, son écuyer Canisy et son médecin Auvity. Ensuite vient la voiture du Sacre recouverte de toiles et dont la présence dans ce convoi paraît singulière. Le général Caffarelli commande l’escorte, 1.200 cavaliers des dépôts de la garde, Grenadiers, Chasseurs, Lanciers, Dragons et Gendarmes. Le départ de Marie-Louise est le signal d’une quantité d’autres depuis la barrière de paris jusqu’à Chartres la route se couvre d’un immense convoi de voitures de toute espèce. Contrairement aux ordres de l’Empereur, le Gouvernement n’a pas quitté la capitale. Notamment, Talleyrand, qui assistant au départ de l’Impératrice, aide la maréchale Lannes à monter en voiture aux côtés de Marie-Louise disant : " Ah ! Ma pauvre duchesse comme on vous joue ! ". Puis il rentre chez lui, rue Saint-Florentin, bien décidé à ne pas quitter la ville, où il sent qu’un grand rôle l’attend...Le 29 au soir, Marie-Louise, à Rambouillet attend des nouvelles tandis que Napoléon arrive à Troyes. Dans la nuit les Royalistes s’agitent : Sémallé dépose aux personnalités, des cartes de visite intitulées : " Fondé de pouvoir de M. le Comte d’Artois, Lieutenant général du Royaume ". Des chefs de la Garde nationale lui font savoir qu’ils adhèrent au mouvement de restauration des Bourbons. Certains sénateurs se réunissent chez le sénateur Lambrechts ou au Sénat. Dans la nuit, le général Alexandre Langeron, Parisien émigré au service de la Russie, arrive au Bourget. Kleist et York s’établissent à Aulnay, Blücher et Woronzoff s’arrêtent à Villepinte. Le Tsar, le Roi de Prusse et le généralissime Schwarzenberg logent au château de Bondy. Le Tsar est inquiet : " Il faut que Paris se rende demain ". Il n’y plus suffisamment de munitions et de ravitaillement. A Blücher, le Tsar préconise d’occuper Compiègne pour assurer la ligne de communications avec la Belgique et les Pays-Bas. Il promet 500.000 roubles à quiconque s’emparerait de Napoléon et l’amènerait au quartier-général. Dans la nuit, Marmont envoie une reconnaissance sur le plateau de Romainville, vérifier s’il est occupé par l’ennemi. L’officier ne suit pas ses ordres et fait un rapport disant qu’elle est libre. Marmont part à la tête de 1.200 hommes pour occuper le plateau. L’ennemi, qui s’y est établi, résiste et l’attaque se développe, Marmont appelant à lui d’autres troupes, étendant sa droite dans la direction du Moulin de Malassis. L’attaque est menée par la division Lagrange, soutenue par la division Ricard. Les Russes, surpris par la vigueur de l’attaque, abandonnent le bois de Romainville et les abords de Pantin...    

Mercredi 30 mars, à l’aube, Joseph, Clarke et leurs états-majors viennent sur la Butte des Cinq-Moulins à Montmartre. A droite on entend la fusillade. Joseph écrit à Julie : " Ma chère amie, on se tiraille depuis le matin. Il n’y a encore rien de sérieux, mais nous sommes au commencement de la journée. Faites partir les filles ". Vers 10 heures du matin, un autre billet à Julie, pour lui dire de rejoindre l’Impératrice, à Rambouillet. Les Russes ont perdu 1.500 hommes. Ils sont secourus pas les Prussiens, mais Marmont, ayant achevé de se déployer, reprend l’offensive et repousse les troupes du prince Eugène de Wurtemberg, le beau-frère de Jérôme Bonaparte. Ce prince Eugène déteste les Français et les Bonaparte en particulier. Par vengeance, il a fait incendier en passant à Pont-sur-Seine, le château de Madame Mère, après l’avoir pillé. Entre 10 et 11 heures, ce prince Eugène contre-attaque la gauche des troupes de Ledru des Essarts et de Compans. Deux régiments de chasseurs russes attaquent en même temps la division de Boyer de Rébeval. La vigueur de cette contre-attaque rejette les soldats français sur les Prés-Saint-Gervais tandis que Boyer de Rébeval malmène l’offensive des chasseurs russes. A 11 heures, la situation de donne aucun résultat et Joseph, entouré d’un brillant état-major où se trouve Jérôme, regarde la plaine voyant les ennemis de plus en plus nombreux. Les Bavarois et les Prussiens viennent renforcer les troupes russes. Marmont fait front mais ne peut empêcher le prince Eugène de Wurtemberg d’accentuer ses progrès. La bataille toujours indécise continue jusque 2 heures de l’après-midi. Au même moment, Napoléon a quitté Troyes, dès l’aube. Quand son cheval n’en peut plus, à Villeneuve-l’Archevêque, il monte, avec Berthier et Gourgaud, dans un cabriolet en osier prêté par un boucher. A midi, Napoléon est à Sens, où il déjeune rapidement à l’Hôtel de l’Ecu. Marie-Louise est toujours à Rambouillet où l’ont rejoint Louis Bonaparte avec Madame Mère et Catherine de Wurtemberg, soeur du prince Eugène qui se bat contre Marmont. Lasse d’attendre des nouvelles Joseph, elle se décide à quitter Rambouillet pour Chartres. A Maintenon, une foule regarde passer ce cortège funèbre. En route, l’Impératrice est rattrapée par un courrier qui lui porte une lettre de Napoléon, expédiée le 23 mars de Bar-sur-Aube. A cinq heures et demie, on arrive à Chartres et on descend à la Préfecture. La suite est disséminée dans la ville, avec billets de logement. A 7 heures, enfin arrivent des nouvelles. Jérôme a envoyé un des ses officiers dire à sa femme Catherine qu’on se bat à La Villette et que l’ennemi se replie. Mais dans la nuit, un autre messager annonce que Joseph et Jérôme sont en route et qu’ils seront à Chartres, vers 5 heures du matin. Hortense, restée à Rambouillet, ne suit pas ses beaux-frères. Louis demande à la Régente d’ordonner à sa femme Hortense de le rejoindre avec les enfants. Hortense reçoit l’ordre mais part se réfugier chez sa mère à Navarre. A Paris, Joseph ne veut pas assumer la responsabilité d’une défense désespérée qui, seule pourtant, permettrait d’attendre l’arrivée de l’Empereur. Le conseil décide qu’il faut capituler. Alors, le roi Joseph veut quitter immédiatement Paris. Il envoie, avant de quitter Montmartre, deux de ses aides de camp porter aux maréchaux Mortier et Marmont le billet suivant : " Si, Monsieur le Maréchal duc de Raguse et Monsieur le Maréchal duc de Trévise ne peuvent plus tenir, ils sont autorisés à entrer en pourparlers avec le prince de Schwarzenberg et le Tsar de Russie qui sont devant eux. " Joseph emmène avec lui toute son escorte, son frère Jérôme, les ministres et son état-major. Peu après son départ le colonel Fabvier, aide de camp de Marmont, arrive pour dire que son maréchal espère prolonger la résistance toute la nuit. Trop tard, déjà Joseph traverse le Bois de Boulogne, passe le pont de Sèvres, sans donner le moindre ordre militaire. Il oublie aux Tuileries, 2 millions chargés sur un fourgon, tout attelé depuis la veille. Son passage est signalé à Versailles à 4 heures de l’après-midi comme indiqué par la maréchale Oudinot. Le soir même, il fait une halte au château de Rambouillet, avant de rejoindre Marie-Louise, à Chartres, tandis que Napoléon arrive à Juvisy, où il apprend par le général Belliard, que la capitulation de Paris a été signée par le maréchal Marmont. A 3 heures du matin, ce jeudi 31 mars, il écrit un court et émouvant billet à marie-Louise. Il envoie Caulaincourt à Paris pour négocier la paix tandis que la général Flahaut arrive avec une lettre de Marmont. Napoléon monte en voiture et arrive à Fontainebleau à 6 heures et s'installe dans son petit appartement du 1er étage...

RAMBOUILLET - CHATEAUDUN - VENDOME - BLOIS

Napoléon va demeurer au château de Fontainebleau jusqu’au 20 avril, date de son départ pour l’Ile d’Elbe. Marie-Louise n’est pas loin, les courriers qu’ils s’échangent sont quotidiens et pourtant ils ne vont pas se retrouver. Il a trouvé chez cette princesse de haute lignée, une soumission dans l’obéissance et une simplicité qui l’ont attaché, devenant son protecteur. L’enfant a créé un lien supplémentaire. L’amour de Napoléon pour sa femme est tel, qu’il est peut-être le seul, à la trouver " belle, gracieuse et même capable ". Le désir de ne pas déplaire à son époux est tel, qu’elle se force, puis, elle-même, est surprise par son charme et sa gentillesse à son égard. En 1813, ils sont devenus si attachés l’un à l’autre que soumise à une grande épreuve, leur union n’a pas fléchi lorsque L’Autriche poussée par Metternich a rejoint la Coalition. Tout au contraire, Napoléon semble redoubler de tendresse tandis que lors ce conflit, douloureux pour elle, entre son père et son mari, Marie-Louise se réfugie à l’abri de son mari, qu’elle a fini par admirer et dans lequel elle espère jusqu’au bout. Napoléon maintenant est à terre. Paris est tombé puis ce sera la déchéance prononcée par le Sénat et avant cinq jours les maréchaux vont exiger l’abdication. Caulaincourt nous donne le témoignage de Napoléon serein et d’un courage qui le stupéfait. Il va jusqu’à lui sourire : " l’île d’Elbe sera l’île du repos où avec sa douce Louise et le petit roi il mènera la vie de famille dont la grandeur et surtout l’absence l’ont toujours privé ". Il attend sa femme à Fontainebleau, et puisqu’elle ne vient pas il lui trouve des excuses avec la certitude qu’elle le rejoindra pour le départ et qu’ils voyageront ensemble. Marie-Louise a d'abord pensé courir à Fontainebleau, mais elle n’est pas seule, engluée dans un convoi où se mêle ses beaux-frères, les Grands dignitaires, le Gouvernement.

Jeudi 31 mars, de Chartres, Marie-Louise prend la route de Châteaudun. On passe par Marboué, là où habite le maréchal Ney dans son château des coudreaux. Geneviève Chastenet, dans Marie-Louise, l'Impératrice oubliée", Lattès, 1983 : " A Châteaudun, la lettre de Napoléon arrive confirmant la reddition. Marie-Louise est anéantie mais fait preuve de courage. L'étape à l'Hôtel de la Poste, tient de la chambrée. Une seule pièce pour Marie-Louise, Mme Montesquiou, Mme Marchand et l'enfant qu'on tente de calmer. Aldobrandini et Beauharnais couchent au rez-de-chaussée sur les tables d'hôtes, les autres sont parqués dans un hangar. Les pages, les palefreniers, transis par le froid et la pluie, prennent d'assaut les cabarets et se réchauffer. Des bagarres éclatent entre royalistes et impérialistes en plusieurs points de la ville.

Au matin du 1er avril, toujours à Châteaudun, on prend la route de Vendôme, Marie-Louise lui répond : « Mon cher Ami. Seulement deux mots aujourd'hui pour te remercier de ta bonne lettre du 31 que j'ai reçue ce matin à 3 heures, ces lignes m'ont fait bien du bien, j'avais besoin de te savoir bien portant et près de nous. Je suis cependant encore bien inquiète, je suis fâchée de te voir là tout seul, accompagné de peu de monde, je crains qu'il ne t'arrive quelque chose. Cette idée me rend bien malheureuse. Donne-moi aussi souvent que possible de tes nouvelles, je ne vis que d'inquiétudes, et quand je suis malheureuse, j'ai besoin de savoir que tu m'aimes et que tu ne m'oublies pas. Le Roi (Joseph) m'écrit que tu lui as mandé que je me rende à Orléans ou à Blois. J'irai donc à Blois, je crois que l'on y sera plus en sûreté. L'ennemi est déjà venu une fois bien près d'Orléans. Je vais coucher ce soir à Vendôme et demain à Blois, il n'y a que 16 lieues de trajet mais je voyage avec tes chevaux, et l'on ne peut pas faire plus de 10 lieues par jour. Nous avons couché cette nuit dans un bien vilain endroit, dans une mauvaise auberge, heureusement que ton fils y a eu une bonne chambre, voilà tout ce qu'il me fallait. Il se porte à merveille, et pleure dans ce moment pour avoir des joujoux. Dieu sait quand je pourrai lui en donner. Ma santé n'est pas très bonne, mais tu sais que j'ai du courage, ainsi ne te tourmentes pas. Je trouve des forces pour faire tout ce qu'il faudra encore pour nous mettre en sûreté. Dieu veuille que tu puisses bientôt nous donner de tes nouvelles et avec elles celles de la paix. Voilà le seul désir que je forme dans ce monde, en attendant crois moi pour la vie. Ta fidèle Amie Louise »

Après Châteaudun, on est en route pour Vendôme, où Marie-Louise est reçue chez la marquise de Soizy. Si elle se soumet de bonne grâce à ce nomadisme, il n’en est pas de même pour Jérôme qui exige d’être nourri avec à sa suite une douzaine d’officiers westphaliens, aux frais de l’Impératrice. Elle s’en plaint à Napoléon qui veut que sa famille s’éloigne : "Jérôme en Bretagne, Madame Mère à Nice, Louis à Montpellier, Joseph et Julie à Marseille, qu’il reste le moins possible de gens de la cour sur la Loire et que chacun se case sans exciter de rumeurs ". En effet les habitants sont accablés de billet de logement, les routes et les villes obstrues de voitures. En quittant Vendôme, les ressorts de la voiture de Marie-Louise lâchent. Elle monte avec son fils dans la voiture su Sacre, débarrassé de son chargement. La voiture du couronnement est couverte de boue, puis lavée par la pluie torrentielle, parfois elle s’embourbe et il faut neuf heures pour faire huit lieues. Le fourgon transportant le Trésor manque à l’appel, égaré sur la route d’Orléans. Il est heureusement récupéré.

Samedi 2 avril, à Blois, ancienne capitale des Valois, Marie-Louise s’installe à la Préfecture, avec son fils, Mme de Montesquiou et la maréchale Lannes. Dès le lendemain, dimanche 3 avril, jour de Pâques un semblant de vie de cour s’organise. Marie-Louise, en grande toilette, assiste à la messe célébrée dans le Salon de la Préfecture. Elle reçoit les autorités civiles qui demandent à voir le Roi de Rome. Elle écrit à Napoléon : " Je l’ai mené avec moi. Ils l’ont trouvé le plus bel enfant qu’il soit possible de voir, il venait de se réveiller de sorte qu’il avait des couleurs magnifiques. " A chacun, l’Impératrice adresse un mot réconfortant mais sa tristesse frappe tous les témoins. Le soir comme à Saint-Cloud, dîner de famille et petit cercle. Pendant ce temps, à Fontainebleau, Napoléon a reçu cette lettre de Marie-Louise : " Blois, 2 avril 1814, 10 heures du soir. Mon cher Ami.
J'ai reçue cette nuit ta seconde lettre du 31, elle m'a fait bien plaisir, ce sont les seules émotions de joie que je puis éprouver dans un moment où nous sommes si tourmentés. Je suis bien contente de voir que ta santé est bonne malgré toutes les fatigues que tu as dû éprouver, je t'assure que je les sens autant que si je les avais partagées avec toi. Depuis mon arrivée ici j'ai vu un auditeur, M. de Pallavicini, qui t'a quitté hier à quatre heures, je l'ai accablé de questions, tous les détails qu'il m'a donné sur ta santé ont été bien bons, j'ai besoin de m'entendre répéter souvent cette assurance. Crois, mon cher Ami, que j'ai beaucoup de courage. Je sens que nous sommes dans un moment où il en faut plus que jamais, et je suis assez calme, mais j'ai le coeur bien triste. Je crois qu'il n'y a que la paix qui me rendra toute ma gaieté, tu devrais bien nous la donner bientôt. Le Roi Joseph et l'Archichancelier (Cambacérès) m'ont montrés ce matin une lettre du duc de Bassano (Maret) par rapport à plusieurs affaires et à cause de mon séjour, on débattra cela demain matin, l'Archichancelier voudrait que l'on t'envoie quelqu'un d'intelligent qui puisse te rendre compte verbalement de toutes les affaires, on n'a pas encore décidé qui. En attendant, je voudrais bien mieux que nous puissions rester ici. Nous y sommes bien mieux que nous ne pourrions être logés à Orléans, ni à Tours, il n'y a pas de maladie, les logements sont spacieux et l'air y est excellent pour ton fils. En tout cas, il faudra rester demain toute la journée ici, nous avons eu des chemins épouvantables. Les escortes qui viennent de faire depuis 5 jours 50 lieues, n'en peuvent plus, et les chevaux qui nous ont menés, ont aussi besoin d'une journée de repos.
Ton fils t'embrasse, il a supporté la route à merveille, il est d'une gaieté charmante, il est d'un bien heureux âge, je l'envie souvent, il est charmant en route et nullement embarrassant. C'est un enfant si doux et si aimable, que même les personnes qui le connaissent peu, sont obligés de s'attacher à lui. Ma santé est assez bonne, nous avons fait 10 lieues dans des chemins affreux et dans une telle boue qu'on n'a pu aller qu'au petit pas, aussi suis-je bien fatiguée. Je loge ici à la Préfecture, j'y suis à merveille et ton fils aussi, nous avons une vue superbe sur la Loire. Je recevrai demain les autorités le matin, comme je fais un séjour, je n'ai pu m'y refuser. Je viens d'envoyer dans ce moment le maréchal des logis à Orléans, pour savoir à cause des logements s'il y aura de la place. On dit qu'il y a déjà plus de 10.000 personnes de plus que la population. Il viendra demain me rendre réponse.
J'aurai aussi demain le conseil des Ministres. Ces messieurs croient que tu devrais bien me permettre de t'envoyer quelqu'un qui dans les circonstances présentes pourrait demander beaucoup de choses que l'on ne pourrait pas écrire, comme de discuter sur l'endroit où je devrais me retirer, si j'étais obligée de quitter Orléans. Si tu veux donc que nous t'envoyons quelqu'un, je te prierai de me désigner la personne. Je reçois dans l'instant ta lettre de ce matin, je suis bien contente d'avoir aussi exactement de tes nouvelles, ce que tu me dis de la possibilité de nous réunir bientôt m'a bien plaisir, c'est la seule chose que je pourrais avoir pour consolation dans ce moment. En attendant, je te promets de soigner ma santé. Tout ce que tu me dis sur ce que je te suis nécessaire pour ton bonheur, me touche vivement, mais ce que je sens, par dessus tout, c'est qu'il n'y a personne qui t'aime aussi tendrement et qui voudrait te donner tant de preuves de son dévouement que
Ta fidèle Amie Louise "

Napoléon a répondu à la lettre de Marie-Louise, écrite le 3 avril : " Mon amie, L’auditeur Pallavicini arrive et m’a donné de tes nouvelles. Tu peux : 1° rester à Blois, 2° m’envoyer qui tu veux et prendre de la latitude, 3° faire des proclamations et assemblées, ce que fait le gouvernement provisoire de Paris, 4° écrire une lettre très vive pour te recommander et ton fils à ton père. Envoies-y le duc de Cadore (Champagny). Fais sentir à ton père que le moment est arrivé qu’il nous aide. Adieu, mon amie, porte-toi bien. Tout à toi. Nap. Fontainebleau, le 3 avril, à 6 h. du soir. " Champagny part dès le lendemain, avec la lettre de Marie-Louise pour son père. Mais, ne sachant pas où se trouve François II, qui est à Dijon, il ne la lui remet que le 9 avril, après l’abdication. Champagny ne peut que revenir à Paris, où il arrivera en même temps que le Comte d’Artois. Après son départ de Blois, c’est Regnault de Saint-Jean d’Angély qui assure l’intérim du secrétariat de la Régence. Cette lettre de Napoléon à Marie-Louise, est surprenante, car il y parle pour la première fois du Gouvernement provisoire et ne demande rien de précis à sa femme, comme de revenir le rejoindre à Fontainebleau. Il lui laisse toute latitude, ce qui pour Marie-Louise reste un mystère. Elle, si passive, n’a aucune volonté. Il n’y a que 35 lieues entre Fontainebleau et Blois, ce qui n’est pas beaucoup, 150 kms environ, par Orléans et Pithiviers. Bientôt, elle sera à Orléans, qui n’est qu’à 90 kms de Fontainebleau. Et aucun des deux n’a cherché, véritablement, à se réunir à l’autre. Au contraire, Napoléon, ne voulant pas influencer Marie-Louise, la laisse décider elle-même. Les lettres sont nombreuses, parfois deux par jour, mais jamais aucune décision claire. Napoléon est empêtré dans ses négociations et Marie-Louise ne sait pas se prendre en mains. Le baron de Méneval, secrétaire de Marie-Louise, comme le baron Fain est le secrétaire de Napoléon, écrit : " Marie-Louise nous exprimait son regret d’avoir quitté Paris et parlait de son désir de se réunir à l’Empereur. Les obstacles qui s’opposaient à l’accomplissement de ce désir, le conflit des opinions contradictoires de son entourage, lui faisaient différer de tenter cette réunion qui était alors dans sa pensée. Son anxiété était au comble. Les émotions violentes qu’elle avait éprouvées, les pleurs qu’elle répandait continuellement, ses douloureuses insomnies lui avaient causé un état nerveux et presque convulsif. Elle ne pouvait se faire une idée des passions qui agitaient la France. Les assurances qu’elle avait reçues de son père lui revenaient sans cesse à la mémoire. Elle ne pouvait se persuader que l’Empereur d’Autriche la sacrifiât avec son époux et son fils. Cependant les événements qui se pressaient à Paris devaient lui laisser peu d’illusions. Elle était consternée mais comme un naufragé qui se noie, elle s’attachait opiniâtrement à l’affection paternelle, qui lui paraissait son seul moyen de salut. Apprenant que l’Empereur d’Autriche n’était point à Paris, elle espérait qu’il ne consentirait pas à ce qui avait été fait pendant son absence et que sa voix serait écoutée. " Savary, ministre de la Police, lui aussi à Blois : " l’Impératrice était livrée aux plus vives inquiétudes. Pendant les huit jours qu’elle passa à Blois, son visage fut continuellement baigné de larmes. Elle s’était formé une autre idée des Français. La méchanceté de ceux qui la faisaient descendre du trône a imputé à son manque de caractère une partie des malheurs qui lui arrivèrent ? Pourtant il n’y avait point de sa faute. Si l’Impératrice, au lieu d’être une jeune femme de moins de vingt-deux ans, avait été dans l’âge où l’expérience donne de l’assurance et permet de s’entourer des conseils de ceux dans lesquels elle a confiance. "…

En attendant la conférence de Schwarzenberg, Caulaincourt expédie un courrier à Fontainebleau pour prévenir Napoléon des négociations en cours. Il ne sait pas que Napoléon a appris la défection de Marmont, par le capitaine Paul de Bourgoing, aide de camp du maréchal Mortier. Cette longue lettre est retranscrite intégralement, par Jean Hanoteau, en note de bas de page 227, et suivantes, dans le tome III : " De Paris, 5 avril, 2 heures de l’après-midi. Tel était l’état des choses cette nuit, telles que nous les trouvâmes encore à l’ouverture de la conférence dont nous sortons et que le Tsar avait ajournée à midi…Mais la trahison, qui avait dans l’intervalle, livré le 6°corps aux intrigues du prince de Schwarzenberg et du gouvernement provisoire, avait tout changé. Sans crainte désormais sur l’attaque qu’il pouvait redouter, ayant Paris à dos, le Tsar a repris son projet favori. Nous avons pu nous convaincre que c’est la défection du 6°corps qui a tout changé, car la conférence, commencée sous les meilleurs auspices, interrompue par le Tsar pour recevoir ces malheureux détails, a été reprise sur un ton bien différent quand il est rentré. La Régence et toutes nos propositions, accueillies à 3 heures du matin, à peine controversées, furent repoussées par le plus formel refus dès qu’on eut cette malheureuse nouvelle…. " Caulaincourt, qui négocie à Paris auprès du Tsar installé chez Talleyrand, détaille point par point les événements de la nuit et de la journée. Il termine par : " Quand les événements accusent des hommes défendus par tant de services et de gloire, on se refuse à croire même à ce qui crève les yeux. On cherche pour se consoler s’il y a un moyen de les absoudre. Témoin, hier encore, de la confiance particulière que Votre Majesté se plaisait à accorder à ceux qui lui portent les coups les plus sensibles, je m’effraie doublement d’être obligé de lui transmettre de si pénibles détails. Dans ce chaos d’erreurs, de faiblesses, d’ingratitude, d’imprévoyance et de malheurs, de quel côté que l’on se tourne, on ne trouve que des sujets de douleurs et de honte. Tout vous trahit Sire ! La fortune et les humains. Dans cette situation le contact de Paris deviendra chaque jour plus dangereux. Veuillez y réfléchir. L’Impératrice ne pourrait-elle pas rejoindre Votre Majesté ? Quand tout l’accable, mes pensées me portent naturellement sur ce qui peut la consoler.Tout ce que je vois ici m’afflige, me désespère. Il n’y a plus d’énergie. Le peuple de Paris est comme celui des départements. Il plaint Votre Majesté. Il l’aime parce qu’il aime toujours notre gloire, parce qu’il n’a pas perdu le souvenir de ce que vous avez fait pour cette France, naguère aussi fière de son souverain que des grands souvenirs qui lui restent. Mais tout le monde est dans la stupeur, les masses ennemies en imposent aux plus déterminés. Paris ne connaît la guerre que par les parades, ne juge les ennemis que l’affabilité des souverains et par l’ordre parfait qui y règne. L’énergie n’est que dans les départements qui ont souffert, mais ceux-là sont couverts de Russes et de Prussiens. Le mot de PAIX, proclamé, répété, affiché de toutes parts par les ennemis est magique. Il tue la fidélité, le dévouement que vous portaient les meilleurs citoyens, on lui sacrifie tout. Je ne suis pas consolant, Sire ! Je le suis d’autant moins que je suis vrai et que, navré d’avoir de tels détails à transmettre à Votre Majesté, je ne le fais que parce que c’est un devoir. "

De son côté, à Blois, Marie-Louise fait son travail de Régente : " Blois, 3 avril 1814, 8 heures du soir, Mon Cher Ami.
Je n'ai pas reçue de tes nouvelles depuis hier au soir, le temps me parait bien long, j'espère être assez heureuse pour en avoir cette nuit et de te savoir toujours tranquille à Fontainebleau. J'ai eu hier le conseil des Ministres dont je t'ai parlé hier au soir. Tous ces Messieurs ont été d'avis que je reste à Blois jusqu'au moment où nous pourrons avoir une réponse de toi. Ils trouvent beaucoup d'inconvénients au séjour d'Orléans, ces inconvénients doivent t'être expliqués dans le procès-verbal de la séance que l'on doit t'envoyer ce soir. M. de la Bouillerie est aussi d'avis qu'on n'y envoie pas le trésor, il craint qu'il ne soit trop près du théâtre de la guerre et il craindrait qu'en cas d'événements fâcheux, il n'eut pas le temps de l'évacuer. Pour le reste des mesures desquelles le Duc de Bassano a parlé à l'Archichancelier dans sa lettre, on a réglé différentes choses. Le ministre de la police doit s'occuper de la rédaction d'un journal dans lequel on insérera les bulletins que tu voudras nous envoyer. Les Ministres ont fini par conclure que la paix était une chose indispensable dans l'état actuel et qu'il fallait la faire à tout prix. Ces Messieurs se proposent de t'écrire là-dessus et de t'exposer leurs différends motifs. Je me borne à faire des voeux pour qu'elle soit possible, cela me rapprocherait de toi et mettrait fin à tant de tourments et d'inquiétudes auxquelles nous sommes exposés depuis tant de temps. J'ai vu le Chambellan, M. de Nicolay, cette après dîner. Il est sorti de ce pauvre Paris un quart d'heure avant que l'ennemi n'y entrât, mais tu dois avoir des nouvelles plus récentes. J'ai reçu aujourd'hui à 5 heures les autorités, comme elles ont demandés à voir ton fils, je l'ai mené avec moi, ils l'ont trouvé le plus bel enfant qu'il soit possible de voir, il venait de se réveiller de sorte qu'il avait des couleurs magnifiques. Il se porte très bien et a été toute la journée à l'air sur une terrasse qu'il a près de son appartement, cela lui a fait grand bien.
Ma santé est assez bonne, je me suis promenée dans le jardin d'où l'on découvre une vue superbe sur la Loire. On voit de loin les tourelles du château de Chambord. J'ai eu la famille à dîner, je viens de rentrer pour fermer ma lettre. Le Roi Joseph m'a dit que tu nous envoyais le grand Maréchal, je l'attends avec bien de l'impatience, j'espère qu'il me donnera de bonnes nouvelles de toi, au moins sera-t-il bien questionné, j'ai besoin d'avoir fréquemment de tes nouvelles pour soutenir mon courage qui veut m'abandonner par moments; il est vrai que notre position n'est pas belle, et comme je suis la personne qui t'aime le plus, je me tourmente tant pour toi, mais je ne veux pas te parler d'aussi tristes choses, je sens que cela doit t'affliger et tu n'a pas besoin de chagrins. Je finis donc en t'assurant qu'il n'y a personne au monde qui t'aime comme
Ta fidèle Amie Louise "...

Caulaincourt retourne à Fontainebleau avec Macdonald. Auparavant, il passe rue de Lille, chez le maréchal Ney, qui est avec Oudinot et d’autres généraux, cherchant des détails des négociations. Ils arrivent très tard au château, Macdonald dit " On eut beaucoup de peine à réveiller et faire lever l’Empereur. Il fallut que Caulaincourt entrât lui-même dans sa chambre et le secouât assez rudement. " Les plénipotentiaires lui expliquent les mauvais résultats de leur mission, qui n’est que trop prévisible, depuis le retrait du corps de Marmont, que le maréchal Macdonald a ressenti comme " leur cassant bras et jambes ". Napoléon refuse l’abdication absolue disant qu’il trouvera encore des soldats capables de se battre avec lui et les congédie en leur disant d’aller se reposer. Dans la nuit il fait appeler Caulaincourt qui écrit : " Je le trouvai calme, il causa avec moi de tout ce que nous venions de lui rapporter, comme si c’eût été des affaires d’un autre." Cette réflexion revient souvent dans les écrits des témoins de ces événements. Napoléon reste calme, comme acceptant la fatalité, comme étant seulement témoin du temps qui passe. Caulaincourt poursuit : " Les événements de Paris l’avaient frappé, moins cependant que la défection du 6°corps. Ces gens-là, en parlant du Sénat, sont de la canaille, des révolutionnaires que j’ai débarbouillés. La plupart n’ont ni principe ni honneur. Je m’explique la conduite de Talleyrand. Pour lui me trahir, c’est se sauver. Son rôle était écrit ! Mais les autres quels buts ont-ils ? Pauvre France ! Ce duc de Raguse, déserter avec son corps devant l’ennemi !...Et quand ? Dans le moment où une victoire, presque certaine, eût pu couronner les plus généreux efforts, où nous faisions repentir l’Europe d’avoir osé occuper notre capitale. Marmont un homme qui a reçu de l’éducation, qui ne peut être dupe d’une intrigue, comme son ambition l’a perdu ! Il était le plus médiocre de mes généraux, je l’ai soutenu contre tous parce que je lui croyais de l’honneur. Elevé dans mon camp, nourri dans ma maison, marié par moi, comblé de faveurs, de richesses, devenu un des hommes les plus marquants de France, son ambition lui a fait rêver qu’il pouvait s’élever encore, que nouveau Monk il serait le restaurateur d’une race que l’opinion de la France, comme ses intérêts repoussaient ! Il a oublié sous quel drapeau il a obtenu tous ces grades, sous quel toit il a passé sa jeunesse ! Comme j’étais dans l’erreur ! Voilà le sort des souverains ! Ils font des ingrats ! Le corps de Marmont ne savait sûrement pas où on le menait " .

Le Journal des Débats, du mardi 5 avril, publie en grosse manchette : " M. le maréchal Marmont, duc de Raguse, a abandonné la drapeau de Bonaparte pour embrasser la cause de la France et de l’humanité. Il est arrivé à Paris, il y sera immédiatement suivi du corps d’armée qu’il commande et que l’on porte à 12.000 hommes. " Inspirée par Talleyrand, cette une du journal a un double avantage. Elle compromet définitivement Marmont et montre un des principaux lieutenants de Napoléon se rallier au Gouvernement provisoire, incitant d’autres à suivre. Le même jour, paraît le pamphlet de Chateaubriand, " De Buonaparte et des Bourbons" , libelle injuriant pour Napoléon vaincu, qui a un retentissement spectaculaire. A Fontainebleau, l’heure du dénouement approche. Ce mercredi, 6 avril, sera le jour de l’abdication. Il y a beaucoup de fermentation dans les esprits des maréchaux, généraux et officiers supérieurs. Un grand nombre paraît pencher pour un changement de régime. Ils redoutent en effet que Napoléon ne prenne le parti désespéré de provoquer un soulèvement dans Paris, avec un risque de guerre civile. A 2 heures du matin, le général Friant, commandant la 1ère division de la Vieille Garde, informe que les commandants de corps sont résolus à ne faire aucun mouvement et ne recevront plus d’ordres de l’Empereur. Le maréchal Ney qui connaît cet état d’esprit a une conversation d’une demi-heure avec Napoléon et lui fait part de cette détermination qui sera confirmée par Oudinot. Caulaincourt, appelé à 6 heures du matin, trouve Napoléon dans l’embrasure d’une fenêtre, ouverte sur les pelouses, le teint livide, les cheveux embroussaillés, les habits en désordre. Napoléon lui parle d’un abdication conditionnelle. Caulaincourt lui répond qu’il faut se battre tout de suite ou se retirer sur la Loire dès le lendemain ou abdiquer sans conditions. - Vos réflexions sont bien dures Caulaincourt  - Sire. Dites qu’elles sont vraies. J’ai à cœur de vous sauver, de vous assurer une existence qui vous donne encore l’indépendance d’un souverain. - Allons, allons ne vous fâchez pas monsieur le Grand écuyer, je rends justice à vos sentiments pour moi. Peut-être avez-vous raison, mais la question est assez importante pour la discuter. Au fait, que m’importe le trône puisque je ne suis plus rien pour la France ? Le trône n’est qu’un morceau de bois, auquel je ne tiens pas. Il ajouta qu’il était déterminé à abdiquer depuis longtemps, mais qu’il avait voulu laisser à sa femme et à son fils un moyen de réclamer le respect de leurs droits. Pourquoi n’avez-vous pas demandé la Corse ? - La Corse est un département français, j’ai pensé que dépouiller la France pour vous dédommager c’eût été imiter vos ennemis et que ce n’est pas digne de Votre Majesté. - Je vous approuve tout à fait. Cette pauvre France ne sera que trop dépouillée quand on viendra à traiter de la paix. Je tiens à un établissement en Italie, quand même j’habiterais une partie de l’année à l’île d’Elbe ou tout autre point, je puis vouloir passer l’autre partie sur le continent avec l’Impératrice qui se soucie peu, sans doute, de passer la mer. J’exige la Toscane, ce n’est même pas assez. En tout, vous devez mieux baser les compensations sur l’échelle des grands sacrifices que je fais. Puisque c’est la Russie qui traite, il lui est indifférent, ainsi qu’à la Prusse et même à l’Angleterre que l’Autriche ait un peu moins en Italie. Elle peut se dédommager en Piémont ou ailleurs. Puisque les ennemis prennent tout, ils ne peuvent pas se dispenser de faire un sort convenable à l’Impératrice, indépendamment du mien. Il faut exiger ce qu’on doit me donner, si on veut que j’abdique. Pour mon compte personnel, je ne tiens pas à plus ou moins. Si j’abdique je peux vivre avec 100 louis par an. Disposant de tous les trésors du monde, je n’ai jamais placé un écu pour ma personne, tout était ostensible et dans le Trésor. Vous savez bien que ce n’est pas l’intérêt qui me guide mais dans cette circonstance, il faut stipuler d’une manière convenable les intérêts de mon fils et de l’Impératrice. " Puis l’Empereur recommande à Caulaincourt de défendre les pensions, grades et honneurs de l’armée, la Légion d’Honneur et les Polonais, avant ses propres intérêts et ceux de sa famille. Il dit que cette dette est sacrée pour lui…

Vendredi Saint, 8 avril, entre huit et neuf heures du matin, Joseph et Jérôme se présentent à l’improviste chez l’Impératrice. Ils lui disent qu’elle n’est plus en sûreté à Blois, que les troupes alliées se rapprochent, qu’il est urgent de passer la Loire pour se mettre à l’abri et établir le siège du Gouvernement. Ils lui font bien sentir que " les liens qui l’unissent à la famille impériale le rendent pour cette famille et pour l’Etat, un otage volontaire et nécessaire et qu’ils sauraient la faire monter de force dans les voitures qui sont prêtes. " Marie-Louise résiste. C’est alors que Joseph et Jérôme prennent leur belle-soeur chacun par un bras, pour la conduire vers la sortie. Marie-Louise pousse des cris alertant son Chambellan M. de Bausset
- Monsieur de Bausset ! Les frères de l’Empereur veulent me faire partir de Blois malgré moi.
Ils menacent de me faire enlever ainsi que mon fils. Que dois-je faire ?  Le général Caffarelli, le Chambellan comte d’Haussonville, d’autres officiers se présentent. " Tout rentra dans l’ordre accoutumé ". M. de Bausset, dans ses mémoires, ajoute : " On a diversement parlé des motifs des frères de l’Empereur qui se flattaient de prolonger une lutte inégale ou d’obtenir des conditions plus favorables. Ce qu’il y a de certain c’est qu’aucun d’entre nous n’avait approuvé ce parti pris de quitter Paris et que nous étions effrayés d’une seconde fuite…"

Tout va basculer à l’arrivée de l’aide de camp du Tsar, le général Paul Schouwaloff. A Blois, il descend à l’auberge La Galère, accompagné du baron de Saint-Aignan, écuyer de l’Empereur et beau-frère de Caulaincourt. Sa mission est de conduire l’Impératrice et son fils, à Orléans. Saint-Aignan, intimement lié avec la Duchesse de Montebello, Dame d’honneur de Marie-Louise, lui donne le courrier de Caulaincourt : " Madame la Duchesse, l’Empereur m’a ordonné d’envoyer à S.M. l’Impératrice un officier russe et un officier autrichien pour sa sauvegarde et celles des équipages depuis Blois jusqu’à Fontainebleau où sa majesté rejoindra l’Empereur qui désire que l’Impératrice parte sur-le-champ et soit suivie par toute sa maison et tout ses équipages. M. le comte Schouvalow, aide de camp générale de l’empereur de russe a été désigné par son souverain pour remplir cette honorable mission. M. de Saint-Aignan vous dira le nom de l’officier autrichien qui n’est pas encore désigné par le prince de Schwarzenberg Agréez, madame la Duchesse…" Aussitôt, l’arrivée du général Schouwaloff est le signal du départ des personnages importants qui ont suivis depuis Paris et chacun court à la Mairie chercher un passeport pour le faire viser à La Galère qui ne désemplit pas de la journée. Tout le monde veut rentrer à Paris au plus vite. " Tout le monde ayant pris des passeport d’une main et de l’argent de l’autre, les plus zélés envoyèrent leur adhésion au Gouvernement provisoire ". Mme de Luçay conseille à Marie-Louise de rejoindre au plus vite Napoléon à Fontainebleau, mais la Maréchale Lannes pique une crise, criant " Qu’il me tarde que tout cela soit fini ! Que je voudrais être tranquille avec mes enfants, dans ma petite maison de la rue d’Enfer ! " et la générale Durand, dans la pièce à côté, raconte que la Dame d’honneur part d’un méchant rire ironique. Marie-Louise éclate en sanglots. Cette exclamation de la maréchale Lannes va être le début de la débandade. Mais avant le départ, tous recevront leurs gratifications. Marie-Louise fera distribuer 730.000 francs or que se partagent chambellans, officiers, dames du palais et domestiques. Jérôme, pour sa part, accepte 5.000 francs...
Schwarzenberg qui est à Paris, loin de son souverain et de Metternich, croit que la mission de Saint-Aignan est de ramener Marie-Louise à Fontainebleau et lui écrit : " Le général Schouvalow a été envoyé hier matin à Blois pour accompagner l’Impératrice Marie-Louise à Fontainebleau auprès de son mari. " Lorsque François II est informé de la démarche du Tsar il fait exprimer son mécontentement à Metternich de ce que son allié dispose ainsi de sa fille : " Du moment que madame l’Archiduchesse est séparée de son mari, elle appartient à son père et seulement lui peut et a le droit de la prendre sous sa protection. " (Stadion à Metternich, Châtillon)

L’auberge La Galère, où logent Saint-Aignan et Schouwaloff, ne désemplit pas de la journée. Elle est trop petite pour contenir tous les solliciteurs. " La plupart des ministres et des conseillers d’état partirent pour Paris, écrit le baron de Méneval. Je vis le ministre de la guerre Clarke qui, avec le sourire qui lui était habituel, me dit qu’il venait faire ses adieux à son ancien collègue, secrétaire du cabinet et lui remettre une lettre qu’il adressait à l’Empereur pour prendre congé. Il ajouta que, quand on quittait les gens, il fallait le faire poliment, qu’il avait à rendre compte de l’état des archives de la guerre, du dépôt des cartes et qu’il ne voulait pas passer pour un voleur. " Clarke se sent délié de son serment par la ratification de l’acte de déchéance du Sénat et avec une précipitation de mauvaise aloi, il envoie ses lettres sans les signer, " l’action du gouvernement ayant cessé ". Il écrit en même temps à Talleyrand : " Les actes même du gouvernement qui vient de finir, m’ayant dégagé de tout ce que j’avais considéré comme un devoir envers lui et envers sa famille, j’use de la liberté, qu’un si grand événement vient de me rendre, pour remettre entre les mains de Votre Altesse Sérénissime, et du Gouvernement provisoire, la promesse d’être fidèle au Roi Louis XVIII et à son auguste famille. J’adhère également à la nouvelle Constitution décrétée par le Sénat, le 6 avril de cette année. " Dans une seconde lettre à Talleyrand, il demande des passeports pour lui, ses employés et les officiers qui l’accompagnent pour retourner à Paris. Aucun des ministres ne jugera décent de passer par Fontainebleau, pour faire ses adieux à Napoléon. Aucun membre de la famille...

BLOIS - ORLEANS - 8/9 AVRIL

Le vendredi 8 avril au matin, Cambacérès, Joseph et Jérôme vinrent représenter à l'Impératrice la nécessité de quitter Blois, de se diriger avec le jeune prince au-delà de la Loire, et d'y transporter le siège du gouvernement. Leurs appréciations sont justifiées par la présence dans le voisinage de cette ville, des troupes russes, dont les incursions pouvaient compromettre la sûreté  de la femme et du fils de l’Empereur et les exposer à être enlevés et retenus comme otages. Marie-Louise, fatiguée des hasards de cette vie errante, demeura inébranlable dans sa résolution de ne pas s'éloigner davantage malgré la vivacité que mettait le roi Jérôme dans l'explication des motifs de son insistance, cette princesse ne céda pas. Les officiers de son entourage, le général Caffarelli en tête, croyant, qu'on avait voulu faire violence à la femme de Napoléon, s'interposèrent assez tumultueusement en sa faveur. Marie-louise écrit à Napoléon cette lettre n°155 dans « Lettres Inédites » de C.F. Palmstierna, secrétaire du Roi de suède :

Blois, ce 8 avril « Je t’envoie un courrier, homme intelligent, pour te prier de me donner tes ordres et de te prier de grâce de permettre que je vienne te rejoindre, car on me fait tourner le sang ici. Il y a 100 cosaques à Châteaudun. Le Roi Joseph est venu ce matin pour m’engager à aller me jeter dans les bras du premier corps autrichien que je trouverais. Il m’a dit qu’ils me suivraient, qu’ils n’avaient de sûreté que là, que l’Empereur d’Autriche leur assurerait un sort et qu’il ne fallait pas te conseiller dans un moment où il n’y a avait plus de temps à perdre et où tu désapprouverais peut-être cette démarche.

J’ai répondu que je croyais que ce serait une trahison de ma part et que tant qu’il me resterait un souffle de vie, je te resterais attachée, que d’ailleurs je ne savais pas si les corps autrichiens de Lyon n’étaient pas gagnés par les Russes et que je ne voulais pas  m’abandonner à leur merci. Il m’a dit que c’étaient de mauvais raisonnements et Jérôme m’a répondu qu’ils me feraient bien partir de force. Alors j’ai consenti  d’aller à Rambouillet, bien décidé de ne pas aller plus loin. Mais au moment où il voulait donner les ordres pour le départ, les officiers de la garde sont venus dans la cour et ont déclaré qu’ils ne souffriraient pas qu’on me fasse partir, qu’ils étaient décidés à se faire hacher en pièces pour toi, ton fils et moi, qu’ils savaient qu’on voulait les faire partir du côté des Autrichiens et qu’ils ne le feraient pas, à moins que ce soit toi ou moi qui leur donne l’ordre et que si tes frères avaient peur, ils n’avaient qu’à s’en aller. J’ai alors déclaré au Roi Joseph que je ne partirais pas, que tout le monde était de cet avis et que je voulais attendre tes ordres. Cela les a mis fort en colère, ça m’est égal, je me mets au-dessus de cela.

J’attends donc tes ordres et je te prie de me faire venir. J’ai pris différentes dispositions que je te dirai moi-même. Ce qui est sûr, c’est que l’on ne peut aller à Bourges car in nous est venu de fort mauvais rapport sur M. de Sémonville. Ton fils se porte bien, moi aussi. Je t’embrasse et t’aime de tout mon cœur. Ta fidèle Marie-Louise ».

Cette lettre est très importante car elle démontre la fidélité de l'Impératrice !

  

 

Vendredi 8 avril, ce soir-là, avant de dîner, Marie-Louise fait demander M. de Bausset : - Voulez-vous me rendre encore un service ? - Ordonnez, Madame, je réponds de moi - Eh bien ! Vous partirez ce soir pour Paris. Vous y trouverez, sans soute, l’Empereur mon père et vous lui porterez une lettre. Vous vous rendrez ensuite à Fontainebleau avec une autre lettre pour l’Empereur Napoléon. J’espère m’y rendre aussi de mon côté, car je dois et je veux être auprès de lui. Faites vos dispositions et revenez à huit heures du soir prendre mes dépêches. M. de Bausset est Préfet du Palais, il est aussi Chambellan de l’Empereur. Il ajoute dans son récit : " Je me rendis avec exactitude aux ordres de l’Impératrice Marie-Louise qui me tendit elle-même les deux lettres, dont elle daignait me charger. Je fus ensuite chez le comte Schouvaloff, que j’avais beaucoup connu à Erfurt, pendant l’entrevue de 1808. Je trouvai son appartement rempli par une infinité de personnes qui venaient faire viser leur passeport pour retourner à Paris. Il est à propos de dire que les plus grands personnages du gouvernement regardèrent leur mission comme achevée dès le moment de l’arrivée du commissaire général des Puissances alliées et crurent pouvoir s’occuper de leurs intérêts privés. Le comte Schouwaloff me reconnut et vint avec empressement autour de moi. Nous causâmes à part et je lui parlai de la mission que je venais de recevoir, en lui demandant un passeport pour aller à Paris et, de là, à Fontainebleau, pour y attendre l’Impératrice. Le comte me dit alors tout bas que l’Impératrice ne s’y rendrait pas et qu’il était décidé qu’elle irait à Rambouillet en sortant d’Orléans. J’allais me retirer, mais je devins moi-même un personnage important. L’amabilité du comte Schouwaloff pour moi me rendit l’objet des plus vives sollicitations de la part de ceux qui étaient le plus pressés."

Marie-Louise ignore, en écrivant la lettre que Bausset doit remettre à son père l’Empereur d’Autriche François II, que le comte Schouwaloff n’allait pas la conduire pour sa sauvegarde auprès de son mari, à Fontainebleau, comme la lettre de Caulaincourt, remise à la maréchale Lannes, le lui a assuré. Marie-Louise ne se doute pas que le Gouvernement provisoire a donné à Saint-Aignan, des ordres formels pour qu’elle ne rejoigne pas Napoléon, sans que Caulaincourt soit informé. Ensuite, Saint-Aignan et Schouwaloff ont voyagé ensemble jusque Blois, mais qui mène l’autre ? Bausset, on l’a vu, a été mis au courant par Schouwaloff et se garde bien de le répéter à l’Impératrice. Il faut ajouter que Bausset, lui aussi, a mis la même précipitation que Clarke, pour adhérer au nouveau gouvernement, en écrivant au baron Mounier. Bausset quitte Blois le soir à 11 heures et arrive à Paris le matin à 2 heures. Il n’y trouve pas l’Empereur d’Autriche qui se presse lentement ne voulant pas assister à l’effondrement de l’Empire, ni d’être accusé d’avoir influé sur le choix du nouveau souverain de la France. Il écrit à Metternich qui précède son souverain dans la capitale : " Cher prince Metternich, en réponse à votre rapport, je vous annonce que ne trouvant ici, à Troyes, ni chevaux, ni fourrage, je m’achemine sur Pont-sur-Seine avec mes chevaux et vers Paris aussi loin que je pourrais. " N’importe quel corps d’armée aurait mis des chevaux à disposition, mais le peu d’empressement de François II n’a d’égal que la confiance mise en Metternich, chargé de tout pour sauvegarder les intérêts de l’Autriche, de Marie-Louise et de son petit-fils.

 

La nuit du 8 au 9 avril est employée toute entière par Marie-Louise et les personnes de son entourage, aux préparatifs du départ qui doit s’effectuer le lendemain. Le 9 avril, tôt le matin le baron Méneval se rend chez l’Impératrice. Il la trouve inquiète de la manière dont va se passer le voyage, elle craint d’avoir à traverser des postes de Cosaques. Elle se fait apporter les diamants de la Couronne, pense à les porter sur elle car elle ne doute pas que sa personne soit respectée. Reste le glaive impérial, contenant ce fameux diamant le Régent, dont la lame est embarrassante. Méneval veut séparer la lame de la poignée, mais n’ayant pas d’outil, il pose l’épée sur les chenêts de la cheminée et la casse. Il cache la poignée sous ses habits et rejoint sa voiture. A 10 heures, dans un beau soleil printanier, on se met en route. Marie-Louise est accompagnée de son fils. Les frères de l’Empereur, Joseph et Jérôme, leurs femmes, ainsi que Madame Mère, ne sachant encore où aller, suivent sur la route d’Orléans bordée d’une double haie de spectateurs qui se bornent à regarder passer le cortège funèbre dans un morne silence. Quand Marie-Louise part de Blois pour Orléans, le Samedi-Saint 9 avril, elle est encore escortée par des cavaliers de la Garde impériale. La tranquillité des voyageurs n’est troublée qu’aux environs de Beaugency par un groupe de 300 Cosaques. Ils pillent les dernières voitures, mais l’intervention d’un aide de camp du comte Schouwaloff arrête le désordre et tout ce qui est pris est rendu. Arrivée à Orléans, l’Impératrice est encore traitée en souveraine, même si le préfet du Loiret, M. Pyerre ne s’est pas dérangé. Elle descend au palais de l’Evêché à 6 heures du soir. La garde nationale et les troupes de la garnison forment la haie d’honneur depuis l’entrée de la ville en criant " Vive l’Empereur ! Vive l’Impératrice ! ". La proclamation de l’Impératrice signée de Blois est encore affichée sur les murs. Savary écrit dans ses mémoires : " Je faisais de bien tristes réflexions en voyant la ville d’Orléans pleine de troupes. Nous en avions laissé encore bien davantage à Blois, où s’étaient retirés successivement les dépôts qui étaient à Versailles et à Chartres… Comment tout cela n’avait pas été réuni aux corps des maréchaux Mortier et Marmont qui défendaient Paris ? On ne peut en donner d’autres raisons, sinon qu’on ne l’avait pas voulu. Mais assurément ces divers détachements s’élevaient à plus de 20.000 hommes. Qu’on ajoute à cela l’Arsenal de Paris et l’on sera forcé de convenir que l’on a manqué de tête ou de cœur et que l’Empereur a été mal servi sous ce rapport. "...

 

Napoléon et Marie-Louise, Souvenirs Historiques de M. le baron de Méneval : " Le 9 avril, je me rendis chez l'impératrice, que je trouvai levée et un peu inquiète de la manière dont passerait son voyage. Elle se fit apporter les diamants de la couronne, dont elle ne savait trop que faire. Sachant qu'elle devait traverser des postes de cosaques et être escortée par des troupes étrangères, elle craignait le pillage de ses voitures. Elle pensait à porter sur elle les différentes parures qui avaient été formées par ces joyaux, ne doutant pas que sa personne ne fût respectée. Restait le glaive impérial sur la garde duquel le régent avait été monté, et dont la lame était embarrassante. Ne pouvant mettre personne dans la confidence, je fus réduit à ma seule industrie pour séparer cette lame de sa poignée. J'eus l'idée de placer la lame sous un des chenets, et à ma grande satisfaction je reconnus qu'elle était de laiton. Je n'eus donc pas de peine à la rompre. Je cachai la poignée sous mes habits et je rejoignis ma voiture à travers les embarras de l'encombrement des voitures et des chevaux. J'avais conservé jusqu'à ce moment les papiers de famille et autres pièces importantes que l'empereur m'avait ordonné d'emporter des Tuileries, au moment de notre départ, pour les détruire s'ils couraient le risque d'être pris ou égaré. Je le crus arrivé, je les jetai au feu. Je crois nécessaire d'avertir que parmi ces papiers ne se trouvaient pas les lettres adressées par les souverains étrangers à napoléon. Si elles en avaient fait partie, on serait fixé sur la destinée de ces documents curieux sur laquelle il règne une obscurité jusqu'à présent impénétrable. A 10 heures du matin, après avoir reçu le comte Schouwaloff, l'impératrice, accompagnée de son fils, des princes et de princesse de la famille impériale, partit de Blois pour se rendre à Orléans. Les dernières voitures de sa suite furent arrêtées à Beaugency et pillées par les cosaques. Mais sur un ordre du général Schouwaloff, tout ce qui avait été pris fut rendu. L'impératrice arriva à Orléans à six heures du soir, elle fut reçue par les autorités civiles et militaires. La garde nationale et les troupes de la garnison formaient la haie depuis la porte de la ville jusqu'au palais de l'évêché, où elle logea...

Pendant la nuit qui suivit notre arrivée à Orléans, je reçus une lettre chiffrée, dictée par l'empereur le 8 avril. Cette lettre avait été me chercher à Blois et m'étais revenue à Orléans. Elle me remplit de douleur et de consternation, elle avait été écrite dans un moment de découragement et portait l'empreinte d'une profonde tristesse. La substance de cette lettre était : qu'il avait été convenu avec l'empereur d'Autriche que la couronne passerait au roi de Rome sous la régence de l'impératrice, que M. de Metternich était chargé de formuler cette convention, que dans l'état des choses, il était nécessaire que l'impératrice se tint toujours informée du lieu où se trouverait l'empereur d'Autriche, pour pouvoir recourir à sa protection et qu'il fallait tout prévoir, même la mort de l'Empereur. Il m'était ordonné de brûler cette après l'avoir lue et de faire usage de son contenu avec la prudence convenable. Je brûlai cette lettre, pour me conformer à une injonction que j'étais tenté de considérer comme un acte de dernière volonté. J'étais tellement troublé de cette fatale confidence, que je crus devoir y associer la duchesse de Montebello (la maréchale Lannes), qui possédait la plus intime confiance de l'impératrice et qui, par sa position, était la plus capable de contenir son courage et de la consoler si le malheur que je redoutais venait à la frapper. J'attendis ensuite dans une affreuse anxiété des nouvelles de Fontainebleau. L'impératrice avait prévenu le désir qu'avait exprimé l'Empereur qu'elle se tint en communication avec son père, en envoyant successivement à l'empereur d'Autriche, le duc de Cadore (Champagny) et MM. Regnault de Saint-Jean-d'Angély, de Bausset et de Sainte-Aulaire "

ORLEANS, 10 AVRIL, LE VOL DU TRESOR IMPERIAL

Le dimanche de Pâques, 10 avril, Marie-Louise assiste à la messe. On ne chante pas le Domine salvum fac Imperatorem, mais on ne chante pas, non plus, le Domine salvum fac Regem. Ce n’est plus l’Empire, mais pas encore la Royauté. Après la messe, Marie-Louise reçoit Champagny, qu’elle avait envoyé de Blois, avec une lettre pour son père. Champagny a trouvé l’Empereur d’Autriche, près de Dijon, à Chanceaux, où il avait été entraîné à la suite du mouvement de Napoléon sur Saint-Dizier. François II traîne en route, ne voulant pas contrarier ses alliés, au sujet de la suite à donner, Metternich ayant tous les pouvoirs. Mais, la réponse que transmet Champagny laisse peu d’espoir. Marie-Louise à ce moment précis est encore dévouée à son mari. Traversant une terrasse, qui sépare son appartement de celui de son fils, elle va se jeter à l’improviste dans les bras de Mme de Montesquiou, la Maman Quiou, cette femme de tête et de cœur, qui remplit avec tant de dévotion ses fonctions de Gouvernante de l’enfant impérial et se montre d’autant plus attachée à l’Empire que l’Empire est au plus bas. Marie-Louise sait que cette Dame ne lui donnera que de nobles conseils. Elle s’affermit avec elle, dans l’idée de rejoindre Fontainebleau le plus tôt possible, mais il faut attendre le retour de M. de Bausset.

 

Alors, se passe un incident aussi douloureux que honteux pour le Gouvernement provisoire. Marie-Louise, en partant de Paris a emporté le reste du Trésor personnel de Napoléon, sous le contrôle de M. de la Bouillerie. Au Trésor, sont joint les diamants de la Couronne. De l’argent a été envoyé à Fontainebleau pour solder l’armée et pour les dépenses du quartier-général. Puis, d’après l’ordre de Napoléon, Marie-Louise en a mis 2 millions dans ses voitures, pour son usage personnel. Il reste, à peu près, 10 millions dans les fourgons de la cour à Orléans. Le Gouvernement provisoire a besoin d’argent et imagine de s’emparer de ce Trésor, sous le prétexte que l’Etat en est le véritable propriétaire. Pour procéder à cette saisie, on envoie un ennemi personnel de l’Empereur, M. Jean-François Dudon, maître de requêtes, que Napoléon avait fait expulser du Conseil d’état. J.F. Dudon, porteur d’un acte du Gouvernement provisoire, signé de Talleyrand, en date du 9 avril, vient à Orléans et enlève le Trésor. Rien n’est respecté, ni la vaisselle, propriété personnelle au chiffre de Napoléon, ni les tabatières et les bagues enrichies de diamants destinées à être offertes en cadeau, ni les habits, ni le linge de Napoléon ni même ses mouchoirs marqués du N et d’une couronne. L’émissaire du Gouvernement provisoire ne s’en tient pas là. Il s’empare encore du peu d’argenterie qu’on a emporté pour le service de l’Impératrice et de la cour. Il ne laisse pas un couvert en argent et pousse les choses à ce point, qu’on est obligé d’emprunter la vaisselle de l’évêque chez qui Marie-Louise est logée, pour les deux jours qu’elle passe encore dans cette ville. L’aide de camp du comte Schouwaloff, dont l’intervention est inutilement réclamée, laisse faire, ne mettant aucune opposition à l’exécution de la saisie. Quant aux diamants de la Couronne, ils sont rendus sur inventaire avec une scrupuleuse exactitude. Il n’y manque que le Régent qu’on met ordinairement à part à cause de son grand prix et de la facilité qu’il y a à le dérober. Tout le monde ignore qu’il est dans le sac d’ouvrages de l’Impératrice. On vient lui rendre compte de ce qui se passe. Elle tire aussitôt le Régent et le donne. Les diamants qui lui appartiennent, personnellement, sont avec les autres. Elle ne pose pas de question pour savoir si on les lui a aussi enlevés...

Voilà ce qu'on peut lire dans tous nos grands classiques.

Or, je viens de mettre la main sur Les Indiscrétions d'un Préfet de Police, du comte Réal, réédité chez Tallandier Tome II, pages 71 et suivantes. Extraits : Le préfet de police comte Réal confirme que La Grange est confirmé dans cette mission par une lettre signée du ministre de la Guerre le généra Dupont, à la date du 7 avril. M. Paul Desfieux-Beaujeu, marquis de la Grange, ancien colonel dans la Vendée, émigré en 1791, avait fait la campagne de 1792 dans le corps d'armée du duc de Bourbon. Au licenciement de ce corps, il entra au régiment de Hompesch. Quand ce régiment passa dans l'armée anglaise, il se rendit en Vendée avec le grade de colonel et fut un des derniers chefs vendéens à traiter avec le Premier Consul, sa soumission fut reçue par les généraux Champeaux et Gardanne. Plus tard, il fut arrêté comme complice de Cadoudal et de Pichegru, et relâché faute de preuves.

Arrivé à Orléans il se présente chez le général Hamelinaye pour lui notifier sa mission, en présence de plusieurs généraux et officiers supérieurs. Le général Hamelinaye commandant militaire du département du Loiret menace de la faire arrêter mais La Grange sans se laisser démonter lui réponds : «  Si je n’ai pas votre adhésion dans deux heures, je vous destitue ! »

Hamelinaye, breton de Montauban en Ille-et-Vilaine, après la bataille de Brienne, le 29 Janvier 1814 et le mouvement de l'Empereur sur Troyes, forme l'arrière-garde du Corps du Général Gérard pendant la retraite jusqu'à Nogent. Mais atteint d'une maladie aiguë, il est obligé de quitter l'Armée pour se soigner à Charenton. Il est à peine rétabli, que Clarke, ministre de la Guerre, lui donne l'ordre le 7 Avril, de suivre la Loire, et il lui confie le commandement supérieur d'Orléans, où sont rassemblés  40.000 Hommes de vieilles troupes et un parc de 100 pièces de Canon. Par ses bonnes dispositions, le général Hamelinaye  empêche les Russes de s'emparer de la ville et de s'y établir.

Avant les deux heures écoulées, La Grange reçoit l’adhésion du général, celle du préfet, du maire, des officiers supérieurs et de la garde nationale. La Grange revient précipitamment à Paris pour annoncer que l’Impératrice Marie-Louise est sur la route de Blois à Orléans et que déjà de nombreux chariots portant le trésor impérial y sont arrivés. Aussitôt il reçoit l’ordre de retourner à Orléans avec les pouvoirs nécessaires pour se faire remettre le trésor. Il part avec la lettre suivante du ministre de la guerre pour le général Hamelinaye : «  Je suis informé, général, qu’il existe à Orléans des voitures chargées d’or et d’argent, soustraits at trésor public par Bonaparte. Vous voudrez bien, au reçu de la présente, vous entendre avec M. de La Grange, que je vous adresse pour arrêter tout argent et effets appartenant au gouvernement. Je vous rends responsable du retard et de la négligence que l’on apporterait à l’exécution de l’ordre que je vous donne à ce sujet. M. de La Grange vous donnera tous les renseignements que vous pourrez désirer. Vous l’autoriserez à s’adjoindre les officiers qu’il vous désignera. Pour le ministre et par son ordre, signé Baron De Hervesse, secrétaire-général ».

Arrivé à Orléans La Grange descend à l’hôtel occupé par M. de la Bouillerie, trésorier de la couronne, parti de Paris, le 31 mars, avec l’Impératrice et tout le gouvernement. Il se fait remettre immédiatement rendre compte de la situation des caisses, en or, argent, vaisselle et bijoux. Le trésor se compose de dix millions en or. Marie-Louise a déjà donné un million aux deux frères de l’Empereur Joseph et Jérôme, un million cinq cent mille francs à Madame mère et un million cinq cent mille francs au cardinal Fesch oncle de Napoléon, qui sont aussi du voyage. L’argenterie est évaluée à quatre millions. Des diamants, La Bouillerie ne peut que présenter une seule caisse et le diamant Le Régent a disparu. Il est demandé par l’Impératrice à Joseph qui l’a dans sa poche de son pantalon. La Bouillerie par écrit notifie à La Grange que « les caisses n°2 et 3, ayant été déposées dans des mains qui me sont inconnues, je me suis adressé à M. le général Bertrand, grand-maréchal de l’Empereur et j’attends sa réponse. » La réponse de Bertrand ne peut donner aucun éclaircissement mais le mamelouk Roustan qui se trouve à Orléans est interrogé et fait savoir que Napoléon a confié ces deux caisses à Joseph. Joseph n’a pas quitté Orléans par va partir d’un moment à l’autres. En effet il y a à la mairie des passeports pour Jérôme sous le nom de comte de Hartz et à un autre à Joseph Bonaparte sous le nom de comte de Survilliers, allant en Italie par la Suisse. Les deux caisses sont réclamées à Joseph qui les rend intactes. Les caisses sont ramenées à Paris, à travers les  troupes russes et prussiennes par La Grange muni de sauf-conduit délivrés par la général Sacken commandant militaire de Paris. Le baron Louis commissaire aux finances du gouvernement provisoire est aussitôt informé de la présence du trésor impérial à Orléans et a expédie M. Dudon. Mais dans la nuit où Dudon arrive à Orléans, éclate une émeute qui coûte la vie à plusieurs personnes. Dudon saisi de peur repart en toute hâte pour Paris sans même  s’occuper de sa mission…Voilà le récit du comte Réal, préfet de police de Napoléon, Réédition chez Tallandier,  en deux tomes. Le professeur Tulard note au n°1511 de sa bibliographie critique, que Pierre Réal, de Chatou, ancien orateur des jacobins a fasciné Stendhal et Balzac…

 

Le 10 avril, à Fontainebleau, il restait dans la caisse de Peyrusse, Trésorier payeur du quartier impérial, une somme de 488.913 francs. Peyrusse note : " Ayant mis sous les yeux de l’Empereur lui-même la situation de ma caisse, je le priai de bien vouloir me donner l’ordre d’aller à Orléans chercher des fonds chez le trésorier général M. de La Bouillerie qui avait suivi l’Impératrice avec tous les trésors de la Couronne et je lui fis observer qu’il y avait à craindre qu’un retard ne nous privât d’une ressource indispensable : «  Bah, mon cher Peyrouse, me répondit l’Empereur, quand on perd l’Empire, on peut tout perdre ». Napoléon est moins indifférent qu’il ne veut paraître. Dès le lendemain, 11 avril, il rappelle M. Peyrusse, lui remet une lettre pour l’Impératrice, l’envoie à Orléans et lui recommande d’éviter de montrer la lettre s’il tombe aux mains de l’ennemi qui s’est déjà montré entre Fontainebleau et Orléans. Et ayant appris qu’une des raisons qui empêchent l’Impératrice de le rejoindre à Fontainebleau est la peur d’être arrêtée en route, il envoie le général Cambronne, avec un bataillon, qui servira à couvrir Peyrusse et d’escorte à Marie-Louise, si elle désire le rejoindre. Cambronne et son bataillon sont à pied, il y a deux journées de marche, ils arriveront trop tard : Marie-Louise est déjà partie !

Peyrusse, arrivé le 12 à Orléans, y apprend que M. Dudon est passé réquisitionner le Trésor, mais que 6 millions ont été sauvés lors de cette opération. L’enlèvement du Trésor à Orléans se réduit donc, à peu de chose près, à ce que Marie-Louise a pu sauver. Mais, elle a dû en donner à ses beaux-frères et Madame Mère, puis payer les traitements des personnes qui l’entourent. Sur ces 6 millions, il emporte lui-même 2.580.000 francs à Fontainebleau. Sur les 3.419.998 francs restants, 50.000 francs sont employés pour les besoins de l’Impératrice, 436.398 francs sont pour les gratifications de la Garde qui a accompagné Marie-Louise, qui emporte le solde à Rambouillet, soit 2.933.600 francs. Napoléon décide donc qu’on tâcherait de faire venir une partie des fonds que Marie-Louise a sauvé et qu’elle garderait le reste. On prit des mesures en conséquence et les officiers qu’on envoyait à l’Impératrice rapportaient une petite somme. Sur cette dernière somme 409.000 francs seront rapportés par Caulaincourt et Laplace, puis plus tard, encore 502.000 francs par MM. Baillon et Laplace. Marie-Louise conserve le reliquat, on voit donc qu’au moment du départ, Napoléon dispose en tout de 3.979.915 francs, moins le montant de quelques dépenses réglées au cours de derniers jours (Note bas de page 368, de Jean Hanoteau, T.III - Mémoires de Caulaincourt)

M. Peyrusse avait eu moins mal à obtenir les fonds de la part de l’Impératrice, que les coffres nécessaires pour les emporter, déjà remplis des chiffons de ses dames, qui refusaient d’en donner les clefs. Les chiffons sont enfin remplacés par des rouleaux d’or, en divisant le contenant et le contenu en deux parts, Peyrusse n’osant pas aventurer tout à la fois. Il expédie un courrier pour avoir des nouvelles de l’escorte. Le Trésorier Peyrusse écrit : " j’attendais avec impatience le retour de mon courrier. A six heures, une voiture de poste. M. Deschamps fourrier du palais en descend et m’annonce que le bataillon Napoléon arrive à marches forcées sous le commandement de Cambronne. Je respirai. A minuit, la garde arriva. Les fonds furent jetés dans le fourgon qu’elle m’amenait et d’après les arrangements concertés entre le général et la maire nous fûmes prendre nos quartiers au village d’Ingré au nord d’Orléans. Là, je reconnus et fis ma caisse, avant de me rendre à Fontainebleau où j’arrivai dans la nuit. Son Excellence le Grand maréchal m’introduisit auprès de l’Empereur. La contrariété qu’il éprouva apprenant l’enlèvement de tout le Trésor de la Couronne fut visible. Les traits de son visage se contactèrent, leur altération m’affecta profondément. Je dus me taire et ne pas rappeler que dès le 10 avril, j’avais fait sentir le besoin d’aller à Orléans…

Dans la nuit du 12 au 13 avril, Paul Schouwaloff prendra le commandement de l’escorte des 25 Cosaques qui, à Angerville, remplacent le détachement de cavalerie de la Garde impériale. Le gouvernement provisoire, de son côté, a expédié des ordres formels au général Hamelinaye, le commandant du département du Loiret. Louis Madelin a eu dans les mains un original : « M. le capitaine Cousin est prévenu que l’intention du Gouvernement provisoire est que l’Impératrice ne prenne sous aucun prétexte la route de Fontainebleau. Si contre toute apparence, Sa Majesté voulait dévier de la route de Paris pour se diriger sur Fontainebleau, M. Cousin s’y opposerait de tous les moyens et rappellerait à M. le général Caffarelli les ordres que je lui ai fait connaître à Orléans. Signé : le général de division Jan Hamelinaye » (Note bas de page 245 Lettres Inédites de Napoléon 1er à Marie-Louise. Editions Bibliothèques Nationales de France, en 1935, avec notes de Louis Madelin)

On peut penser que Marie-Louise est, de fait, prisonnière des troupes alliées. La question qui mérite d’être posée est comment Napoléon n’a-t-il pas pensé protéger son Trésor qui lui appartient en biens propres, si nécessaires pour la suite. Comment Napoléon n’a-t-il pas pensé protéger sa femme et son fils, qui à Orléans sont à moins de cent kilomètres, attendant que Napoléon les appelle? 

Voir cette lettre de Marie-Louise, portée par le fameux colonel Galbois : « Blois, 7 avril 1814, Mon cher Ami. Je t'écris aujourd'hui par une occasion sûre, par un aide de camp du prince de Neufchâtel, de sorte que je pourrai te dire tout ce que j'ai fait depuis ce matin.  Je suis bien inquiète de ne pas avoir plus fréquemment de tes nouvelles dans un moment où tu es malheureux et où tu cours tant de dangers. Tout ce que je désirerais dans cette occasion, ce serait de me réunir à toi, si cela était possible, je serai plus courageuse, plus calme, en pensant que je partage ton sort, je te consolerai autant que possible de tous les revers que tu éprouves, et je tâcherai de pouvoir t'être utile à quelque chose. Tu me connais assez, mon Ami, et je te promets que ma vue ne te chagrinera pas, ainsi, de grâce, fais-moi venir ».

C’est expliquer l’inexplicable !

 

A Orléans, Anatole de Montesquiou arrive de Fontainebleau, avec de bonnes nouvelles de l’Empereur. Marie-Louise, en effet, est inquiète, car dans la lettre du 8, perçait l’idée du suicide. Méneval a reçu une lettre de Napoléon en date du 8, qui de Blois lui a été renvoyée à Orléans. L’Empereur semble encore croire en la Régence et lui dit que dans cet état de choses il faut que l’Impératrice se tienne informée du lieu où se trouve son père car il faut tout prévoir, même la mort de l’Empereur. Méneval est frappé par ces derniers mots et en parle à la maréchale Lannes qui, sans doute, avertit Marie-Louise. Marie-Louise a toujours et encore plus maintenant l’intention de rejoindre son mari. Elle y est poussée par Mme de Montesquiou, Mme de Luçay et Méneval. Au contraire, sa chère duchesse de Montebello, Corvisart, Mme de Brignole, Saint-Aignan la pressent de rejoindre son père. Marie-Louise est dévorée d’hésitations et Napoléon ne lui demande rien…

Le 10, jour de Pâques, Metternich à son arrivée à Paris, reçoit par un courrier du comte Schouwaloff, une lettre de Marie-Louise adressée à son père. Y étant autorisé par son souverain, car les événements se précipitent, il brise les cachets et donne l’ordre aux princes Esterhazy et Wencelas de Liechtentein de se rendre à Orléans auprès de l’Impératrice et de lui remettre. Dans ce message, Metternich tranquillise Marie-Louise et l’invite à se rendre, sans délai, d’Orléans à Rambouillet où elle attendra son père, en route pour Paris. Elle attendra quelques jours, mais il a obtenu de la Russie que Rambouillet serait déclaré neutre et que le Tsar donnerait en conséquence des ordres pour Schouwaloff. Metternich écrit un rapport à l’Empereur François II : " Je suis convenu avec le duc de Vicence qu’il accompagnerait l’Impératrice à Rambouillet. De cette façon, Elle obtient de la part de Votre Majesté toute liberté d’agir comme bon lui semblera qu’Elle se trouve tirée de la situation angoissante où Elle se trouve actuellement. " Mais, Caulaincourt ne parle pas de cette proposition dans ses Mémoires. Dans un second rapport, Metternich fait observer qu’il a été appelé par le Tsar que pour donner son adhésion aux articles concernant Marie-Louise et son fils. Metternich a une position précaire dans le Conseil des Alliés. Il est reproché au cabinet autrichien d’avoir trop soutenu la couronne du Monstre et les intérêts de Naples, dit un document contemporain qui ajoute " parmi les ministres rivaux, on l’appelle le Scapin de la diplomatie ".

Toujours ce dimanche de Pâques, 10 avril, Metternich écrit dans ses Mémoires : " J’ai trouvé l’Empereur de Russie dans des dispositions très raisonnables. Il divagua beaucoup moins que je ne l’aurais cru, le prince de Schwarzenberg aussi a été très content de lui. Du reste, il ne contient qu’à grand peine sa joie de voir la tournure qu’ont prise les événements. Mais le succès dépasse tout ce qu’on pouvait espérer…J’ai dîné aujourd’hui chez Talleyrand en compagnie de l’Empereur de Russie, des maréchaux Ney, Macdonald, Marmont, Lefebvre, du général Dessoles et de plusieurs autres. Ils sont tous on ne peut plus montés contre l’Empereur Napoléon. Il est difficile de se faire une idée de cette disposition des esprits, à moins de voir les choses par soi-même. Le Gouvernement fonctionne régulièrement et nulle part son action ne rencontre d’obstacles. Sur tous les points le calme le plus parfait. "

Le 10 avril a lieu sur la Place devenue Louis XV, une cérémonie de "purification ", sur le lieu même où Louis XVI et la Reine Marie-Antoinette ont été guillotinés. Les souverains alliés donnent beaucoup d’éclat à cette cérémonie : la Garde nationale et l’infanterie des armées alliées forment la haie de la Bastille à la Place Louis XV. Au milieu de la place s’élève un autel carré et élevé sur lequel des prêtres du rite grec viennent dire la messe en présence des souverains alliés, entourés de leurs états-majors. Bourrienne contemple ce spectacle du ministère de la Marine. Notre bonne duchesse d’Abrantès qui assiste depuis l’Hôtel de Rémusat, situé à côté de l’Hôtel Crillon, est frappée de voir, au moment de la Bénédiction, s’agenouiller les princes avec 25.000 hommes. Elle rentre chez elle " touchée à l’âme ". Au cours de cette journée Caulaincourt voit Metternich et Schwarzenberg, pour tâcher d’obtenir de meilleures conditions pour Napoléon. Metternich se montre peu bienveillant et refuse la Toscane pour Marie-Louise et se montre peu disposé pour Parme, que Marie-Louise n’aurait pas eu, sans la forte insistance de Caulaincourt qui met en avant la promesse du Tsar. Metternich déclare que l’Impératrice doit être traitée comme une archiduchesse ou une princesse et le Roi de Rome comme un prince. Il se montre mécontent qu’on ait pensé à des indemnités du côté de l’Italie chasse gardée de l’Autriche, disant qu’elles ne coûtaient rien au Tsar.

Un autre personnage d’importance fait son apparition : Fouché de Nantes. Il était passé des Provinces Illyriennes, à Naples puis chez Elisa, en Toscane. En mars 1814, il passe les Alpes avant qu’il ne soit trop tard. Il voit Chaptal à Lyon, où ce sénateur a été expédié en qualité de Commissaire extraordinaire, pour pousser le maréchal Augereau, qui combat contre les Autrichiens de Bubna. Fouché reste treize jours à Lyon, essayant de d’ébranler le loyalisme de Chaptal. Mais devant l’hostilité de certains fonctionnaires, il doit quitter la ville, pour Valence, puis Avignon. Exaspéré d’être loin du théâtre des événements, pour regagner Paris, il doit descendre par Toulouse, Limoges, la vallée de la Loire. Il y rencontre les débris du monde impérial, en particulier la jeune duchesse de Reggio, maréchale Oudinot. Il arrive enfin, le 8 avril, à Paris, où les grandes intrigues semblent closes : on avait trahi sans lui…Fouché à peine arrivé, court chez Talleyrand pour faire valoir son titre de ministre d’état, plus ou moins fantaisiste qu’il affiche partout depuis plus d’un an. Il se fait admettre aux délibérations du Gouvernement provisoire et des nouveaux ministres. Leur surprise est grande de retrouver là l’éternel revenant, " assis devant ce tapis vert, aussi à son aise, écrit le Chancelier Pasquier, que s’il eût été une des premières colonnes de l’oeuvre qu’on s’efforçait de fonder ". Il assiste impassible et silencieux. En revanche, il va reprendre, in extremis, son siège au Sénat, où il ne reste pas inactif. Toute la vie politique s’y est transporté et une grave question se pose : Quelle serait la nature des pouvoirs confiés au Comte d’Artois, désigné par Louis XVIII comme Lieutenant Général du Royaume ? Ce 10 avril, le comte d’Artois est à Meaux, où il assiste à la messe du dimanche de Pâques. Il a appris avec délectation l’abdication de Napoléon et s’est fait tailler un costume de Garde national. Le comte d’Artois, frère de Louis XVI, futur Charles X, nommé par Louis XVIII Lieutenant Général du Royaume, est entré en France par Vesoul, en février, passant par la Suisse. Puis, il est allé attendre des jours meilleurs à Nancy , durant la Campagne de France, qu'il suit anxieusement. Le 4 avril, le baron Vitrolles, avant d’aller à Nancy rejoindre le comte d’Artois, va chez Talleyrand, à 10 heures du matin. Monseigneur est encore au lit. Tous deux règlent l’entrée de Monsieur à Paris de la manière suivante : le Gouvernement provisoire prend l’engagement d’exercer son influence pour éviter que le Sénat élabore une Constitution susceptible de compromettre l’autorité du Roi. Le comte d’Artois arriverait à Meaux et ferait son entrée le lendemain à cheval, en habit de la Garde nationale, avec la cocarde blanche. Les clefs de la ville lui seront présentées à la barrière par le Préfet de la Seine, à la tête du Conseil municipal, avant de se rendre à Notre-Dame pour assister au Te Deum.

Une correspondance active s’est établie entre le baron Méneval, à Orléans avec Marie-Louise et le baron Fain à Fontainebleau avec Napoléon. M. Fain a soin de prévenir que chaque lettre qu’il écrit lui est dictée depuis le premier mot jusqu’au dernier par l’Empereur. Ainsi une lettre, écrite le 10, dit que d’après les lettres reçus par Napoléon, Marie-Louise paraît décidée d’aller voir son père. " Mais l’Impératrice sait-elle où est son père ? On a dit hier qu’il devait être à Brie-Comte-Robert et arriver aujourd’hui à Paris. Toutes ces nouvelles ont bien vagues. Si vous en avez de plus positives, dites-le-nous. L’Empereur attend cette nuit le duc de Vicence, qui lui apportera quelque décision définitive sur ses affaires. L’Empereur désire que vous tâchiez de pénétrer les véritables intentions de l’Impératrice et de savoir si elle préfère suivre l’Empereur dans toutes les chances de sa mauvaise fortune ou se retirer soit dans un Etat qu’on lui donnerait soit chez son père avec son fils." Méneval répond qu’il a lieu de craindre que l’Impératrice ne soit plus libre de se réunir à l’Empereur. Elle en a personnellement le désir mais elle se confiait encore dans l’affection de son père qui, disait-elle, ne souffrirait pas qu’elle fût séparée de son époux et de son fils. Elle s’autorisait du désir exprimé par Napoléon, pour attendre l’effet des démarches qu’elle a faites auprès de son père. Méneval dit que la crainte d’être arrêtée dans sa route pouvait retenir l’Impératrice et que l’idée d’une fuite lui répugnait...

ORLEANS, Lundi de Pâques

Lundi 11 avril Marie-Louise entend la messe comme la veille. Elle prend congé de la plupart des personnes qui composent sa suite et qui la quittent pour toujours. Les adieux sont profondément tristes. Marie-Louise les reçoit séparément et leur fait présent de bagues et de bijoux, leur demandant de ne pas l’oublier. Elle pleure. Un instant plus tard, toutes ces personnes qui l’avaient quitté rentrent dans l’appartement. Ayant appris qu’elle est appelée à régner sur le Duché de Parme, elles viennent la féliciter. Hélas, ces félicitations ont un goût d’ironie du sort…

Mardi 12 avril, Marie-Louise reste presque seule dans le palais de l’Evêché à Orléans. A peine y rencontre-t-on quelqu’un, si ce n’est les dames restées près d’elle et du roi de Rome. Cambacérès n’est pas venu à Orléans. Il est parti pour Paris, en quittant Blois. N’ayant plus ce conseiller auprès d’elle, Marie-Louise n’est plus guidée que par la maréchale Lannes, sa chère duchesse, qui, tout comme Corvisart, ne veut surtout pas aller à l’île d’Elbe. Elle a ses cinq enfants à élever et à établir comme il se doit. Le médecin a ses habitudes et sa précieuse clientèle à Paris. La maréchale Lannes, a demandé à Anatole de Montesquiou, à son arrivée, palais de l’Evêché, à Orléans : - Eh bien est-ce fini ? Est-il mort ? - Qui Madame ? De quelle mort parlez-vous ? - Mais, celle de l’Empereur ! On a dit qu’il s’était tué…- Non Madame, il n’est pas mort. Il se porte bien. Pouvez-vous ajouter foi aux bruits que répandent ses ennemis ? Voici même une lettre qu’il m’a chargé de remettre à l’Impératrice. "
Marie-Louise devient de plus en plus faible et se plaint à Corvisart. Méneval note que le bon docteur lui préconise la supériorité les eaux thermales d’Aix en Savoie et que le climat de l’île d’Elbe lui serait néfaste et même mortel…
Le matin du 11 avril, Napoléon voit arriver M. de Bausset qui lui apporte une lettre de l’Impératrice. Le préfet du palais avait été chargé par Marie-Louise, de se rendre d’abord à Paris, pour y voir l’Empereur d’Autriche, puis à Fontainebleau pour y donner des nouvelles à Napoléon. A Paris M. de Bausset n’ayant pas trouvé François II, pas encore arrivé, se borne à voir Metternich qui lui apprit que Napoléon irait à l’île d’Elbe et que Marie-Louise irait à Parme. A Fontainebleau le baron de Bausset nous dit : " Je trouvai l’Empereur calme, tranquille et décidé. Son âme était trempée fortement. Jamais peut-être il ne parut plus grand. Je lui parlai de l’île d’Elbe. Il savait d’avance que cette petite souveraineté lui serait donnée. Il me fit même remarquer sur sa table un livre de géographie et de statistique qui enfermait au sujet de cette résidence toutes les connaissances et tous les détails qu’il voulait acquérir. L’air y est sain me dit-il et les habitants excellents. Je n’y serai pas trop mal et j’espère que Marie-Louise ne s’y trouvera pas mal non plus. Il n’ignorait pas les obstacles que l’on venait de mettre à leur réunion au palais de Fontainebleau, mais il se flattait, qu’une fois en possession du Duché de Parme, il serait permis à l’Impératrice de venir avec son fils s’établir auprès de lui à l’île d’Elbe. Il se flattait ! Il ne devait plus jamais revoir ces objets de la plus tendre affection. "
Dans l’après-midi, Napoléon se promène seul sur la terrasse adossée à la Galerie François 1er au fond de la Cour de la Fontaine. Il fait appeler Bausset. Il lui parle, disant qu’il est loin d’approuver le parti qu’on a pris de faire quitter Paris à l’Impératrice. " Mais la lettre de Joseph ? lui rappelle Bausset. " Les circonstances n’étaient plus les mêmes et il fallait se décider conformément aux circonstances nouvelles. La seule présence de Louise à paris aurait suffi pour prévenir et empêcher la trahison et la défection de quelques-unes de mes troupes. Je serai encore à la tête d’une armée redoutable avec laquelle j’aurais forcé l’ennemi à quitter Paris et à signer une paix honorable.
- Il est bien regrettable que vous n’ayez pas voulu signer cette paix à Châtillon…
- Je n’ai jamais cru à la bonne foi de nos ennemis. Chaque jour c’étaient de nouvelles exigences, de nouvelles conditions. Ils ne voulaient point la paix et puis j’avais dit à la France que je n’accéderais à aucune condition que je croirais humiliante, quand même l’ennemi serait sur les hauteurs de Montmartre !
- Même restreinte, la France reste un des plus beaux royaumes du monde.
- J’abdique et ne cède rien. Voyez ce que c’est que la destinée ! Au combat d’Arcis-sur-Aube, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour trouver une mort glorieuse en disputant pied à pied le sol de la Patrie. Je me suis exposé sans ménagement. Les balles pleuvaient autour de moi. Mes habits en ont été criblés et aucune ne m’atteint. Une mort que je devrais qu’à un acte de mon désespoir serait une lâcheté. Le suicide ne convient ni à mes principes, ni au rang que j’ai occupé sur la scène du monde. Je suis un homme condamné à vivre. "…

Napoléon écrit cette lettre à Marie-Louise : " Ma bonne amie, j’ai reçu ta lettre. Tes peines sont toutes dans mon coeur. Ce sont les seules que je ne puis supporter. Tâche donc de surmonter l’adversité. Ce soir je t’enverrai l’arrangement qui a été fait. On me donne l’île d’Elbe et à toi et à ton fils Parme, Plaisance et Guastalla. C’est un objet de 400.000 âmes et 3 ou 4 millions de revenus. Tu auras une belle maison et un beau pays lorsque le séjour dans mon île d’Elbe te fatiguera et que je te deviendrais ennuyeux, ce qui doit être quand je serais plus vieux et toi encore jeune. Metternich est à Paris. Je ne sais pas où est ton père. Il faudrait t’arranger pour le voir en route. Si tu ne peux avoir la Toscane et que ton sort soit réglé, demande-lui la Principauté de Lucques, de Massa, de Carrare et les enclaves, afin que ta principauté soit en communication avec la mer. J’envoie Fouler pour arranger tous les équipages. Je me rendrai aussitôt que tout sera fini à Briare où tu viendras me rejoindre, et nous irons par Moulins, Chambéry à Parme et de là nous embarqué à La Spezzia. Aldobrandini doit t’accompagner pendant ton voyage. J’approuve tous les arrangements que tu fais pour le petit Roi. Si Mme Boubers veut venir, elle serait convenable pour faire son éducation. Ma santé est bonne, mon courage au-dessus de tout surtout si tu te contentes de ton mauvais sort et que tu penses t’y trouver encore heureuse. Adieu mon amie, je pense à toi et tes peines sont grandes pour moi. Tout à toi. Nap. "

Caulaincourt, tome III, chap. IX, pp.339 et suivantes : Nous arrivâmes le duc de Tarente (Macdonald) et moi à Fontainebleau, dans l’après-midi du 12 avril. Tout le monde paraissait content. L’Empereur me reçut très bien et parut même satisfait de nos services car il nous le témoigna. " Où est Ney ? demanda-t-il - Il n’a pu venir en ce moment répondîmes-nous - Ah !..." Ney ayant donné son adhésion au nouveau gouvernement, n’a pas cru devoir venir faire ses adieux à Napoléon, qui le devine. Puis, Napoléon parut blessé que l’Empereur d’Autriche se soit désintéressé de sa fille et de son petit-fils, que Metternich ait refusé la Toscane. Après avoir convié les deux plénipotentiaires à dîner, il leur fait dire qu’il se sent indisposé et qu’il va se mettre lit. A 7 heures du soir, Napoléon reçoit de Marie-Louise, la lettre suivante :
Orléans, 11 avril 1814, au soir. Mon cher Ami.
Je suis bien tourmentée de ne pas avoir de tes nouvelles, j'en ai besoin dans un moment où tant d'intérêts m'occupent tant. J'aurais besoin de te savoir heureux, car ce n'est qu'alors que je pourrai avoir un peu de tranquillité et de repos. J'attends avec une bien vive impatience de tes nouvelles, et des nouvelles de mon père qui, j'espère, me donnera la permission d'aller le voir. J'espère que ma vue fera beaucoup sur lui et qu'il m'écoutera pour les intérêts de ton fils et, par conséquent, pour les tiens. J'espère obtenir quelque chose, et je tâcherai de le voir pour cela, dussé-je même en souffrir beaucoup, car je suis toujours bien souffrante et bien fatiguée. Je t'assure que si je ne désirais pas rester dans cette vie pour te consoler, j'aimerais assez à mourir, mais j'ai envie de vivre pour tâcher de te consoler et de t'être utile. Ton fils se porte bien, Madame me charge de t'envoyer sa lettre, elle vient de me quitter avec le Cardinal pour aller à Rome. Elle est bien triste, elle m'a dit que tout ce qu'elle désirait, ce serait de partager ton sort, et de venir te joindre. M. de la Bouillerie doit partir aujourd'hui, de manière que le trésor reste abandonné, j'ai donc dit qu'au lieu de 3 millions, on nous en mette quatre dans nos voitures, ce sera toujours un peu plus d'argent pour toi. Tu devrais bien penser à ce pauvre M. Menneval, il est décidé à me suivre jusqu'au bout de la terre et à y venir et à s'y établir avec moi, mais ses affaires sont embarrassées, il a 200.000 francs de dettes, à ce que j'ai appris. Tu devrais bien lui donner une somme de 150.000 francs pour les payer en partie. Il le mérite bien par le dévouement qu'il a pour toi. J'attends à ce sujet une réponse de toi. J'ai fait donner 500.000 francs à Mme de Montesquiou pour distribuer au service de mon fils, et je donnerai aussi quelque chose au mien. Ton bon coeur ne pourra pas le trouver mauvais. Tâche, mon cher Ami, de te bien porter, cette assurance m'est nécessaire pour soutenir ma pauvre santé qui bientôt ne pourra plus résister aux secousses qu'elle éprouve depuis deux ans. Je me soigne, en attendant que mon père me fasse dire de venir le voir. Pense un peu à celle qui ne t'a jamais aussi tendrement aimé que dans ce moment. Ta fidèle Amie Louise
Il lui répond aussitôt :
" Mon amie je reçois ta lettre du 11. Dis-moi si l’arrangement d’aller ensemble jusqu’à Parme te convient. Tu iras aux bains de Lucques ou de Pise. Demande à Corvisart ceux des bains qui te sont les plus favorables. Bausset te remettra cette lettre. Tu en recevras une autre que je t’écrirai lorsque j’aurais vu Caulaincourt que j’attends cette nuit. Tes lettres sont pleines de sentiments qui remplissent ton cœur. Elles me touchent bien et me consolent. Je voudrais pouvoir en faire autant pour toi. Je fais écrire à Méneval. Adieu, ma bonne Louise, mon malheur m’afflige plus pour toi que pour moi.
Tout à toi. Nap."

13 Avril - ANGERVILLE, EN GARDE A VUE !

Dans cette nuit du 12 au 13 avril 1814, Caulaincourt poursuit : " A trois heures, l’Empereur me fit demander. Il était couché, une lampe de nuit éclairait faiblement. " Approchez, asseyez-vous" me dit-il dès que j’entrai, chose tout à fait contre son usage. Il prévoyait qu’on le séparerait de l’Impératrice et son fils de lui. Il prévoyait qu’on lui réservait toutes sortes d’humiliations, qu’on chercherait sûrement à l’assassiner, au moins à l’insulter, ce qui serait pour lui pire que la mort. La vie qu’il pouvait mener à l’île d’Elbe n’avait cependant rien qui le contrariât. La solitude n’avait rien qui l’effrayât. C’était une dette pour lui d’écrire l’histoire de ses campagnes, de payer le sacrifice de tant de braves par un hommage rendu à leur mémoire. " Rappelez-vous toujours, me dit-il, tout ce que je vous ai dit hier, en un mot tout ce que je vous ai dit depuis votre retour à Paris, et notez-le. " Il s’arrêta un moment puis il prescrivit de prendre sous son chevet la lettre qu’il venait d’écrire à l’Impératrice et de la mettre dans ma poche. " Ma bonne Louise, j’ai reçu ta lettre. J’approuve que tu ailles à Rambouilllet où ton père viendra te rejoindre. C’est la seule consolation que tu puisses recevoir dans nos malheurs. Depuis huit jours, j’attends ce moment avec empressement. Ton père a été égaré et mauvais pour nous, mais il sera un bon père pour toi et ton fils. Caulaincourt est arrivé. Je t’ai envoyé hier la copie des arrangements qu’il a signés qui assurent un sort à ton fils. Adieu ma bonne Louise. Tu es ce que j’aime le plus au monde. Mes malheurs ne me touchent que par la mal qu’ils te font. Toute la vie tu aimeras le plus tendre des époux. Donne un baiser à mon fils. Adieu chère Louise. Tout à toi. Nap. »

A cette lettre est jointe une note manuscrite de Caulaincourt ainsi conçue : " Lettre écrite par l’Empereur Napoléon à l’Impératrice Marie-Louise dans la nuit du 12 au 13 avril lorsqu’il croyait mourir, à la suite du poison qu’il avait pris. Il m’avait chargé de la fermer, de la lui remettre. Il m’a dit ensuite de la garder. " Il m’ordonna ensuite d’aller chercher, dans son cabinet et dans un nécessaire qu’il m’indiqua, un petit portefeuille de maroquin rouge, sur lequel était le portait de l’Impératrice et de son fils et dans lequel se trouvaient les lettres de cette princesse : " Donnez-moi votre main, embrassez-moi…" et il me serra contre son cœur avec émotion. J’étouffais, j’avais peine à cacher mes larmes qui s’échappant malgré moi inondaient ses joues et ses mains. L’Empereur paraissait extrêmement touché. " Je désire que vous soyez heureux, mon cher Caulaincourt, vous méritez de l’être. Dans peu, je n’existerai plus. Portez alors ma lettre à l’Impératrice. Gardez les siennes avec le portefeuille pour les remettre à mon fils quand il sera grand... Dites à l’Impératrice que je crois à son attachement, que son père a été bien mauvais pour nous... Dites à l’Impératrice que je meurs avec le sentiment qu’elle m’a donné tout le bonheur qui dépendait d’elle, qu’elle ne m’a jamais causé le moindre mécontentement "...

Il y a, environ, cent kilomètres d’Orléans à Rambouillet. Marie-Louise, le 12 avril, après avoir reçu M. de Bausset, qui lui remet la lettre de Napoléon, reçoit les princes Paul Esterhazy et Wenzel Liechtenstein, envoyés par Metternich, porteurs d’un courrier. Metternich, à peine arrivé à Paris, n’a pas perdu de temps. ce courrier annonce officiellement à Marie-Louise que les duchés de Parme et de Plaisance lui sont concédés avec réversibilité en faveur de son fils et l’invite à partir immédiatement pour Rambouillet, où elle aura une entrevue avec son père. Marie-Louise qui désire, depuis si longtemps, voir son père, pour plaider sa cause et celle de son mari, se laisse facilement persuader. Elle quitte Orléans à 8 heures du soir, escortée d’un détachement de cavalerie de la Garde impériale. Mais au relais d’Angerville, cette escorte est remplacée par un peloton de Cosaques, armés de lances, entourant les voitures, comme un convoi de prisonniers. En aparté du récit de Caulaincourt, en ce moment même de la nuit, Marie-Louise est en route avec son fils pour Rambouillet. Elle écrit, à cet instant précis, de sa voiture, un billet à Napoléon, expédié par un officier Polonais. D’Angerville, Marie-Louise envoie, par le colonel Jerzmanowski, ce billet à Napoléon qui, au même moment, vit une nuit pathétique. 

" Mi-chemin Orléans Rambouillet, 12-13 avril 1814. Je t'écris un mot par un officier polonais qui vient de m'apporter à Angerville ta lettre, tu sauras déjà que l'on m'a fait partir d'Orléans et qu'il y avait des ordres de m'empêcher d'aller te rejoindre, même à recourir à la force. Sois sur tes gardes, mon cher Ami, on nous joue, je suis dans des inquiétudes mortelles pour toi, mais j'aurai du caractère en voyant mon père, je lui dirai que je veux absolument te rejoindre, et que je n'entends pas qu'on me fasse violence pour cela. Nous avons emporté ce que nous pouvions du trésor, je te le ferai passer par tous les moyens possibles, mais je suis sûre plutôt que je te l'apporterai moi même. Ton fils dort dans ce moment, ma santé va mal. Je tiendrai ferme de ne pas aller plus loin que Rambouillet, fies-toi à mon amour et à mon courage dans cette occasion. Je t'aime et t'embrasse tendrement. Ton Amie, Louise "

Caulaincourt (T. III - pp. 370) décrit fort longuement la tentative de suicide de l’Empereur puis, " il reçut dans ce moment, une lettre de l’Impératrice qui l’émut beaucoup et le rattacha de suite à la confiance qu’il avait placée dès le commencement des événements dans les principes religieux de l’Empereur d’Autriche : " Ils lui feront sûrement désirer, me dit-il, que sa fille m’accompagne dans la première circonstance où elle peut me donner des marques d’attachement et des consolations nécessaires. Il est d’ailleurs dans les moeurs de mon beau-père qu’une jeune femme ne quitte pas son mari ". Cette lettre, je dois le dire, le rattacha à la vie, un autre avenir sembla s’ouvrir devant lui et un bonheur inconnu lui apparaître. Il ne mit plus de doute, en ce moment, que cette princesse ne le rejoignit incessamment, s’il se résignait à aller à l’île d’Elbe. L’attachement, je puis le dire, que lui montrait sa femme, la pensée d’écrire ses mémoires, de rendre justice aux braves, aux hommes qui avaient bien servi la France, lui souriait. Cette réflexion semblait lui rendre l’avenir supportable. Vivre lui paraissait, dans ce moment, un acte de courage digne de son caractère et en quelque sorte un devoir...

A son arrivée à Rambouillet, le matin, Marie-Louise trouve le château occupé par des Russes. Elle écrit aussitôt." Rambouillet, 13 avril 1814, Mon cher Ami. Je t'ai écrit hier un mot par l'officier polonais que tu m'as envoyé. Je t'écris malgré cela encore aujourd'hui, quoique je craigne que cela ne te parvienne pas, mais l'idée de ne pas pouvoir te donner de mes nouvelles m'est insupportable. Je désire bien que tu ne sentes pas autant le besoin d'avoir des miennes que j'ai celui d'avoir de tes lettres. Je suis bien malheureuse, bien triste, et je tâche seulement de prendre sur moi pour être plus propre à te consoler, car tout ce que je désire, c'est de pouvoir partager ta mauvaise fortune et de pouvoir t'être utile. Mon père n'est pas encore arrivé. On dit qu'il va venir demain. J'attends avec bien de l'impatience ce moment pour pouvoir venir te rejoindre tout de suite après où je te trouverai. Ton fils a soutenu la route à merveille. C'est vraiment un enfant charmant. Il devient tous les jours plus aimable. Il ne se propose pas de faire un très bon accueil à l'Empereur d'Autriche et je crains, quoi que nous lui disions, qu'il y tienne beaucoup. Ma santé est toujours mauvaise. Je suis si malheureuse loin de toi que je sens que je ne pourrai entièrement me rétablir que quand je te reverrai. En attendant, je suis bien fatiguée d'avoir passé toute la nuit. Le chemin a été affreux. Je me suis couchée tout de suite en arrivant. Je ne fais que penser à toi. Tu es si bon et si malheureux, et tu mérites si peu de l'être. Au moins, si tout mon tendre amour pouvait te servir à te faire espérer un peu de bonheur, tu en aurais encore beaucoup dans ce monde. J'ai l'âme déchirée de ta triste situation. Je finis. Je sens que je t'affligerais. Je te prie de ne jamais douter de tous les tendres sentiments de ta fidèle amie
Louise.

Paul Schouwaloff a pris le commandement de l’escorte de 25 Cosaques qui, à Angerville, a remplacé le détachement de cavalerie de la Garde impériale. Le gouvernement provisoire, de son côté, a expédié des ordres formels au général Hamelinaye, le commandant du département du Loiret. Louis Madelin a eu dans les mains un original : " M. le capitaine Cousin est prévenu que l’intention du Gouvernement provisoire est que l’Impératrice ne prenne sous aucun prétexte la route de Fontainebleau. Si contre toute apparence, Sa Majesté voulait dévier de la route de Paris pour se diriger sur Fontainebleau, M. Cousin s’y opposerait de tous les moyens et rappellerait à M. le général Caffarelli les ordres que je lui ai fait connaître à Orléans. Signé : le général de division Jan Hamelinaye "
(Note bas de page 245 Lettres Inédites de Napoléon 1er à Marie-Louise.
Editions Bibliothèques Nationales de France, en 1935, avec notes de Louis Madelin)


Le fidèle baron Méneval, secrétaire particulier de l’Impératrice, est du voyage. Il écrira que l’on peut penser que Marie-Louise est de fait prisonnière des troupes alliées, et son fils otage de l’Autriche. A Rambouillet, Marie-Louise passe les journées du 13 du 14 et du 15 à attendre son père. Tantôt elle se promène dans le parc avec son fils. Elle ne peut sortir car le château est gardé par des piquets de chevau-légers de Finlande. Tantôt, le plus souvent, elle demeure au château, agitée dans ses appartements ou immobile, accablée, versant des larmes.

RAMBOUILLET - 15/19 AVRIL

On peut penser que Marie-Louise est, de fait, prisonnière des troupes alliées. A Rambouillet, Marie-Louise passe les journées du 13 du 14 et du 15 à attendre son père. Tantôt elle se promène dans le parc avec son fils. Elle ne peut sortir car le château est gardé par des piquets de chevau-légers de Finlande. Tantôt, le plus souvent, elle demeure au château, agitée dans ses appartements ou immobile, accablée, versant des larmes. La Reine Hortense lui fait une visite le 15 avril. Marie-Louise paraît triste et abattue. Elle se plaint de son abandon et s’inquiète de la prochaine arrivée de son père. En partant pour La Malmaison, la Reine Hortense croise l’Empereur d’Autriche, dans une calèche découverte, seul, avec le prince de Metternich. En arrivant à La Malmaison, Hortense trouve la cour remplie de Cosaques et le Tsar se promenant dans le parc, avec Joséphine, sa mère. Le Tsar est aimable avec Hortense qui reste silencieuse. Alexandre est si surpris d’une telle réserve qu’il en parlera plus tard à Caulaincourt. L’Empereur d’Autriche François II est arrivé à Paris le vendredi 15 avril, par la route de Bourgogne, accueilli à la barrière Saint-Antoine par le Tsar et le Roi de Prusse. Le comte d’Artois, escorté de la Garde nationale les attend boulevard du Temple, pour se rendre Place Louis XV, où a lieu une grande revue. François II descend au palais Borghèse, de Pauline Bonaparte, au 39, faubourg Saint-Honoré, à l’Hôtel de Charost, devenu depuis l’Ambassade de Grande-Bretagne. Dès le lendemain, François II va voir sa fille accompagné de Metternich. Marie-Louise, accompagnée de Mme de Montesquiou et de son fils, descend l’escalier du palais pour accueillir son père. En l’apercevant, elle fond en larmes, avant même de l’avoir embrassé et lui jette vivement le petit Roi dans les bras. C’est là un muet reproche que doit comprendre l’Empereur François II en serrant sur son cœur son petit-fils qu’il voit pour la première fois et dans ces circonstances si douloureuse pour la mère. Marie-Louise prend à peine le temps de présenter les personnes de sa Maison et passe rapidement dans son appartement. Le grand-père n’est pas moins ému. Il veut revoir son petit-fils, le regarde avec tendresse et, comme pour s’excuser de ne pas l’avoir mieux défendu, promet de veiller sur lui. " Il est bien de mon sang qui coule dans ses veines " dira-t-il. Le petit se rend compte de ce qui se passe autour de lui et ne le cache pas. François II couche à Rambouillet et écrit de Rambouillet, une lettre à Napoléon : " Monsieur mon frère et cher beau-fils, la tendre sollicitude que je porte à l’Impératrice, ma fille, m’a engagé à lui donné un rendez-vous ici. J’y suis arrivé il y a peu d’heures et je ne suis que trop convaincu que sa santé a prodigieusement souffert depuis que je ne l’avais vue. Je me suis décidé à lui proposer de se rendre pour quelques mois dans le sein de sa famille. Elle a trop besoin de calme et de repos et Votre Majesté lui a donné trop de preuves de véritable attachement pour que je ne sois pas convaincu qu’elle partagera mes vœux à cet égard et qu’elle approuvera ma détermination. Rendue à la santé, ma fille ira prendre possession de son pays, ce qui la rapprochera naturellement du séjour de Votre Majesté. Il serait superflu, sans doute, que je donnasse à Votre Majesté que son fils fera partie de ma famille et que, pendant mon séjour dans mes Etats, il partagera les soins que lui voue sa mère. Recevez, Monsieur mon frère, l’assurance de ma considération très distinguée. De Votre Majesté impériale, le bon frère et beau-père, François."
C’est le même homme qui a écrit à Metternich : " L’important est d’éloigner Napoléon de la France et plût à Dieu qu’on l’envoyât le plus loin possible. Aussi avez-vous eu raison de ne pas différer la signature du Traité jusqu’à mon arrivée à Paris car ce n’est que par ce moyen qu’on peut mettre fin à la guerre. Je n’approuve pas le choix de l’île d’Elbe comme résidence de Napoléon, on la prend à la Toscane, on dispose en faveur d’étrangers d’objets qui conviennent à ma famille. C’est un fait qu’on ne peut admettre pour l’avenir. Napoléon reste trop près de la France et de l’Europe. Du moment que Mme l’Archiduchesse est séparée de son mari, elle appartient à son père et seulement lui peut et a le droit de la prendre sous sa protection… ". Deux bataillons d’infanterie et deux escadrons de cuirassiers autrichiens viennent remplacer les troupes russes qui occupent de château de Rambouillet. L’Empereur François y passe la nuit et repart le lendemain à 9 heures, après avoir décidé Marie-Louise, d’abord venir à Vienne se reposer dans sa famille, puis qu’elle irait ensuite rejoindre, librement, son mari, en habitant dans son duché de Parme.

Caulaincourt est venu à Paris, pour une dernière mission, puis, surtout, il va à Rambouillet faire ses adieux à Marie-Louise. " Elle me reçut avec une grande bonté, pleura beaucoup, parla longtemps de l’Empereur et avec attendrissement. Elle me parut disposée à tout faire pour emplir ses intentions et le rejoindre, le consoler dans sa mauvaise fortune, adoucir son sort par ses soins et son empressement se réunir à lui. Aller aux eaux d’Aix en Savoie et le suivre s’il était forcé de partir avant paraissait son désir…Je fus voir le Roi de Rome : ce moment fut aussi bine pénible pour moi. Mme la comtesse de Montesquiou, comme une bonne mère ne le quittait pas. Pauvre enfant ! Moins d’un an avant, il fixait sur lui les regards du monde, huit jours ne s’étaient pas écoulés qu’il était encore l’espoir de notre malheureuse France ! Quelle destinée ! Quel sera son sort ?. Je baisai religieusement la main du royal enfant et me retirai. Je rentrai chez l’Impératrice pour prendre les derniers ordres. M. Caffarelli m’avait fait remettre les fonds pour l’Empereur, dont elle me parla encore beaucoup. Après son coucher, je partis pour Fontainebleau avec le comte de Flahaut, que l’Empereur lui avait expédié la nuit précédente."

Dès ce jour 16 avril, le voyage est décidé, l’itinéraire tracé, car le 17, quand son père a quitté Rambouillet, Marie-Louise lui écrit pour le prier de la laisser passer plutôt par Salzbourg. Comme ce voyage ne peut s’improviser, le général Trautmansdorff vient à Rambouillet pour le préparer. Il y a des dispositions à prendre à Paris, du mobilier personnel à emballer, comme le berceau du roi de Rome, des robes, des bijoux, en tout cent-vingt-neuf caisses… Il y a des adieux : Mme de Luçay, la duchesse de Plaisance, Mme Mollien, les écuyers Flahaut et Turenne.
Sur les instances de Talleyrand, Roustan et Constant sont venus donner l’estocade finale, poussés par Mme de Brignole, la fidèle amie du prince de Bénévent et mère de la duchesse Dalberg. Mme de Brignole leur fait avouer les infidélités de Napoléon. Constant, hableur, raconte des détails d’intérieur, parle des maîtresses et de ses enfants naturels. Marie-Louise est trop grande dame pour en écouter davantage et répond avec dignité. Pour montrer le peu de cas qu’elle fait de ces ragots, elle questionne Mme de Brignole, qui est Génoise et a vécu quelque temps à l’île d’Elbe, sur le climat de l’île, ses habitants et ses ressources.

Le 19 avril, Marie-Louise reçoit à Rambouillet une visite imposée par son père, le Tsar Alexandre. Ainsi, Savary, duc de Rovigo, écrit dans ses Mémoires : " Le Tsar dut lire sur son visage, qui depuis plus de vingt jours n’était arrosé que de larmes, l’effet que sa présence produisait. Il ignorait sans doute que l’Impératrice avait été instruite des moindres détails de tout ce qui s’était passé à Paris avant et pendant la réception qu’il avait faite à la députation des maréchaux. Elle savait de même tout ce qui avait été projeté contre son époux et il fallait assurément qu’elle fût bien maîtresse d’elle-même pour conserver de la contenance devant l’auteur de tous les chagrins qui la dévoraient."

On a débattu de la question de savoir à quel moment précis s’est produite la véritable trahison de Marie-Louise. Sans prétendre procéder à une analyse des profondeurs de l’âme féminine, surtout à partir de lettres, il semble que déjà Marie-Louise s’est résignée au sort qui l’attend, sans y opposer une grande résistance. Cependant, loin d’abandonner le projet de se réunir à Napoléon, Marie-Louise réaffirme son intention de passer à l’île d’Elbe, après sa cure thermale d’Aix-les-Bains, préconisée par le docteur Corvisart. Aix-les-Bains est un point capital pour elle. Comme c’est encore en France, elle demande à son père de faire le nécessaire, pour que les autorités françaises consentent à régulariser son séjour aux thermes. Mais, auparavant, il lui faut aller à Vienne, passage obligé, car elle voit bien qu’on la forcerait, même sous escorte. On a bien vu Paul Schouwaloff, à Angerville, prendre la tête du cortège d’Orléans à Rambouillet, château sous garde des troupes alliées. Et Marie-Louise a une seule préoccupation : un établissement pour son fils. Elle l’a écrit à la maréchale Lannes, sa chère duchesse de Montebello. Pour elle, elle ne veut qu’une vie tranquille, mais pour son fils, il faut un établissement pour tenir son rang. Il lui faut donc obéir à son père pour avoir cet établissement. Metternich proposera une compensation financière qu'elle refuse. Il lui faut un état pour son fils. La Toscane ou Parme. La Toscane est promise à son Grand-duc Ferdinand III, oncle de Marie-Louise, qui récupère son duché, perdu en 1801. Il n’est pas rancunier puisqu’il a gardé de bons rapports avec la famille Bonaparte, dont certains membres iront s’y installer. Napoléon demande à Marie-Louise de faire passer ses courriers, quand il sera arrivé à Porto-Ferraio, par l’intermédiaire de son oncle.

Ce sera donc Parme !

20 AVRIL - LES ADIEUX DE FONTAINEBLEAU
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Mercredi 20 avril 1814, à 11 h 30, dans la Cour du Cheval Blanc, Napoléon fait ses adieux à la Garde. Il embrasse le drapeau qui est aujourd’hui au Musée de l’Armée, salle Turenne. Maret raconte : " Ayant embrassé ses amis, il descendit les degrés, dans une attitude aussi assurée que lorsqu’il avait monté les marches du trône. Il porta sur ses vieux soldats un regard attendri, mais calme et leur parla d’une voix ferme comme son âme ". Il monte dans sa voiture, une " dormeuse ". Le cortège se compose de 14 voitures. Il faut 60 chevaux au relais. Il voyage dans la deuxième, avec Bertrand. Il croise sa belle-soeur, la reine Catherine de Wurtemberg, épouse de Jérôme, à Fossard, file sur Montargis pour s’arrêter à Briare, où il couche à l’Hôtel de La Poste. Le général Cambronne et les 600 grenadiers qui l’accompagnent à l’île d’Elbe lui rendent les honneurs. A Lyon, Cambronne prendra la route de Chambéry…

Le 23 avril, c’est au tour de Marie-Louise de quitter Rambouillet. Le 22, elle a eu la désagréable visite du roi de Prusse, qui, lui aussi, a embrassé le petit Napoléon, en pensant à Iéna. Le petit Roi de Rome devenu Prince de Parme est très heureux de faire ce grand voyage. Il voit bien qu’il n’est plus roi. "Je m’en suis vite rendu compte, car je n’avais plus de pages ". Ses pages avec lesquels il jouait à la petite guerre…La grosse berline verte aux armes impériales où Marie-Louise prend place est suivie de vingt-quatre voitures pour les soixante-deux personnes qui l’accompagnent. L’escorte est exclusivement autrichienne commandée par le comte Kinsky. La première étape est courte, à Grosbois, chez le maréchal Berthier, prince de Neuchâtel, celui-là même qui est venu à Vienne, quatre ans plus tôt, demander sa main. Il voit sans plaisir arriver le convoi, tant il est pressé d’aller saluer, à Paris, le comte d’Artois et lui faire ses hommages. Marie-Louise attend ses passeports que le comte d’Artois n’a pas encore préparés. Cafarelli est envoyé à Paris pour accélérer le mouvement. François II rejoint sa fille et quelques curieux viennent rendre visite à l’Empereur vainqueur et à l’Impératrice déchue. Le général Cafarelli, recevant le laissez-passer, abrège ces visites où le voyeurisme l’emporte sur la compassion. Le roi de Rome échappe à la morosité. " Il acquiert tous les jours plus d’intelligence, il est frais comme une rose. Il s’est beaucoup amusé à Grosbois avec mon père qui a l’air de l’aimer à la folie. J’en suis bien contente mais le jour où je serai heureuse c’est quand je pourrai te voir… "  Mmes de Montesquiou, de Brignoles, Soufflot, Hurault, Rabusson, MM. de Cafarelli, Bausset, Méneval, Saint-Aignan sont du voyage. Egalement la duchesse de Montebello et Corvisart, qui voulant s’abstenir, n’ont pu déserter. Caulaincourt vient voir Marie-Louise, le dimanche 24, pour la dernière fois. Elle attend ses passeports que le comte d’Artois n’a pas encore préparés. Cafarelli est envoyé à Paris pour accélérer le mouvement.

Ce jour-là, Napoléon, déjà dans la vallée du Rhône, traverse Saint-Vallier et Tain l’Hermitage, en route vers Valence.
L’Empereur voit arriver une voiture de six chevaux avec deux courriers. Elle s’arrête et le maréchal Augereau en descend avec trois aides de camp. Il s’approche de la voiture de Napoléon, qui en sort et entraîne Augereau sur la route, pendant que les commissaires et les officiers se tiennent à distance. Napoléon reproche à Augereau sa mollesse devant Lyon, pendant la campagne de France. Le maréchal pâlit et balbutie des mots, puis se justifie en disant " qu’il avait espéré la Régence parce qu’il est impossible pour tout soldat qui a de l’honneur et tout Français qui aime son pays de se voir sous ce sceptre de plomb ". Il annonce qu’il se retire à la campagne jusqu’à ce que renaisse un parti national, puis le maréchal demande les larmes aux yeux à l’embrasser…Un peu plus loin, en route, le général Koller dit à l’Empereur :
- Je viens de voir une scène bien extraordinaire
- Pourquoi c’est un vieux soldat, il a vieilli vingt ans sous mes ordres, il n’a plus la même ardeur. D’ailleurs il a eu des moyens militaires, mais jamais de génie ni d’éducation.
- Vous me surprenez, dit Koller. Vous avez été trahi par Augereau, il y a quinze jours qu’il a fait son traité avec nous. Ses manœuvres étaient des simulacres et vous ignorez même sa proclamation. On me l’a remise à Lyon et la voilà !
Koller tend alors le texte suivant : " Soldats ! Le Sénat, interprète de la volonté nationale, lassée du joug tyrannique de Napoléon Bonaparte, a prononcé le 11 avril, sa déchéance et celle de sa famille. Un descendant de nos anciens rois remplace Bonaparte et son despotisme. Vos grades, vos honneurs et vos distinctions vous ont assurés…Soldats ! Vous êtes déliés de vos serments : vous l’êtes par la nation en qui réside la souveraineté. Vous l’êtes encore s’il est nécessaire, par l’abdication d’un homme qui, après avoir immolé des millions de victimes à sa cruelle ambition, n’ pas su mourir en soldat. La Nation appelle Louis XVIII sur le trône : né Français, il sera fort de votre gloire et s’entourera de vos chefs avec orgueil. Fils d’Henri IV, il en aura le cœur, il aimera les soldats et le peuple. Jurons fidélité à Louis XVIII et à la constitution qu’il nous présente. Arborons la couleur vraiment française, qui fait disparaître tout emblème d’une Révolution qui est fixée et bientôt vous retrouverez dans la reconnaissance et dans l’admiration de votre Roi et votre Patrie, une juste récompense de vos travaux ".
Napoléon ne cache pas son indignation. Au même moment, une compagnie du 23° d’infanterie légère qui, apprenant la présence de l’Empereur, a passé l’Isère, parvient jusqu’à lui. Un vieux capitaine couvert de blessures dit à l’Empereur :
- Avez-vous rencontré ce misérable ? Ne lui avez-vous vous rien dit ? Il a eu bon nez de ne pas attendre votre arrivée à Valence, les troupes sont résolues à le fusiller devant vous
- Mais qu’est-ce ? C’est votre général !
- Vous et la France n’avez pas de plus grand ennemi. Nous avons été vendus à bons deniers comptants !

Dans son carnet, Marie-Louise a noté : " Parties de Rambouillet le 23 à midi…Vue des dômes de Paris. Arrivée à Grosbois. J’y trouve mon père. Petitesse et impertinence de madame de Luçay et de la duchesse de Plaisance. Pénible conversation avec mon père ". Elle traverse des pays encore marqués par la guerre, des villages calcinés, des églises abandonnées, des châteaux brûlés. A Nogent, pas une maison intacte. Des diligences délabrées, traînées par des haridelles attelées de cordes, croisent le cortège. Marie-Louise revit les exodes de sa jeunesse à 14 ans et à 17 ans, en 1809 après Wagram, il y a cinq ans seulement…A Troyes, M. de Mesrigny met sa maison à disposition. L’étape suivante est Châtillon-sur-Seine, pays du maréchal Marmont. Le 28 avril, le convoi arrive à Dijon où une haie de troupes autrichiennes borde les rues qui mènent à la Préfecture. Une dernière fois, sur le territoire français, Marie-Louise a l’occasion de faire un acte de charité. Plusieurs paysans, accusés sans preuves de rébellion contre les troupes d’occupation, sont libérés sur intervention de Marie-Louise qui les fait renvoyer dans leurs foyers, par Cafarelli, après leur avoir remis une centaine d’écus. De Dijon part un courrier, venant de Vienne, avec une lettre pour l’Empereur d’Autriche.

Marie-Louise en profite pour écrire à son père : " Très cher Papa, Je vous envoie une lettre pour l’Empereur Napoléon avec la prière de lui faire parvenir. Il doit être inquiet de ne pas recevoir de nouvelles de moi. Notre voyage a été très heureux jusqu’à présent. Je pars aujourd’hui pour Gray où j’espère arriver tôt. Je crois que de Bâle, je ferai une excursion à Zurich et que je m’arrêterai une journée à Constance pour voir toutes les curiosités. Mon fils vous baise les mains. Je suis bien impatiente de recevoir des nouvelles de vous. "

Les stations suivantes sont Gray, puis Vesoul. Un billet de Vesoul à son père : " Je suis bien arrivée à Vesoul, mais à moitié gelée. Il gèle très fort tous les jours et je crois que nous aurons de la neige. Le comte Kinsky craignait qu’en Tyrol on ne commît des impertinences envers mes messieurs français et a voulu me faire aller par Ratisbonne, mais je suis à ce point courageuse que je lui ai déclaré que je ne changerai pas mon itinéraire et mes messieurs sont aussi de mon avis. Je suis persuadée que les Tyroliens ne feront rien. "

Napoléon, le lundi 25 avril, à Orange, entreprend une traversée qui sera très difficile, par Avignon et Saint-Canat. Le 26, il part de La Calade après avoir endossé l’uniforme du général Koller pour qu’on ne le reconnaisse pas. Il passe à Saint-Maximin et s’arrête au Luc au château du Bouillédou, où est sa sœur Pauline. Il devait embarquer à Saint-Tropez mais la route est si mauvaise qu’on se dirige sur Fréjus, où Napoléon arrive à 11 h pour descend à l’auberge du Chapeau Rouge. Il écrit à Marie-Louise…

Louis XVIII débarque à Calais, accompagné de son favori Blacas et du Duc de Bourbon, le père du Duc d’Enghien. En quittant Hartwell, le nouveau Roi de France a été reçu en grandes pompes par le Régent, futur George IV, le roi George III étant devenu fou. A Stanmore, tous deux s’embrassent cordialement. Bourbon comme Hanovre sont de gros mangeurs. Après un bon repas, on se met en cortège, 100 gentilshommes à cheval, six carrosses de la cour, une escorte de Life-Guards et le carrosse royal tiré par huit chevaux. Au fond, Louis XVIII et la duchesse d’Angoulême fille de Louis XVI, sur le devant le Régent. Le Régent décore le nouveau roi de France de l’ordre de la Jarretière : " J’ai cru un moment que je m’étais trompé et que le mettais une ceinture à un enfant ". Caustique lord Holland remarque :" On feignit beaucoup d’émotion mais les deux acteurs étaient trop gros, trop vieux et surtout trop connus pour soulever beaucoup d’intérêt ". Puis Louis XVIII embarque à Douvres sur le yacht Royal Sovereign. Le Régent salue, du bout de la jetée, mais Louis XVIII dort déjà. C’est le duc de Bourbon qui répond.

Le Tsar et le Roi de Prusse, quand ils en auront fini avec Talleyrand, iront à Londres rendre visite au Régent. C’est le moins qu’on puisse faire pour remercier le Trésorier des Coalitions successives.

Jeudi 28 avril, Napoléon s’embarque sur l’Undaunted, frégate anglaise du capitaine Usher. Le colonel Campbell, commissaire anglais, a quitté le convoi à Lyon, pour venir mettre au point cette traversée. Le soir même, on monte les bagages à bord, tandis que Napoléon est à l’auberge du Chapeau Rouge, où il avait couché, quinze ans auparavant, venant d’Egypte…Il aura un entretien avec le capitaine de vaisseau de Montcabrié, commandant de la frégate française la Néréide, sur laquelle il doit être conduit à l’île d’Elbe, avec le brick l’Inconstant. Napoléon lui fait savoir qu’il ne montera pas à bord d’un vaisseau portant pavillon royaliste. Le soir, Napoléon monte à bord de l’Undaunted, où il est reçu avec solennité et une salve de vingt et un coups de canon. Les commissaires russe et prussien ont accompagné Napoléon jusqu’à la frégate mais les commissaires autrichien, le général Koller et anglais, le colonel Campbell doivent être seuls du voyage. M. Peyrusse note que l’Empereur, en prenant congé du comte Waldebourg-Truchness le remercie, mais pas un mot pour le roi de Prusse, tandis qu’il charge le comte Scouwaloff " de présenter ses hommages à l’Empereur Alexandre "...

Napoléon occupe la cabine du commandant, séparée par un rideau, pour la partager avec le général Bertrand. Le vent manque et retarde le départ. Napoléon écrit alors au général Dalesme, commandant de Porto-Ferraio : " Les circonstances m’ayant porté à renoncer au trône de France, sacrifiant ainsi mes droits au bien et aux intérêts de la patrie, je me suis réservé la souveraineté et propriété de l’île d’Elbe et des forts de Porto-Ferraio et Port-Longone, ce qui a été consenti par les Puissances. Je vous envoie donc le général Drouot pour que vous lui fassiez sans délai la remise de ladite île qui appartenait à mon domaine impérial. Veuillez faire connaître ce nouvel état de choses aux habitants et le choix que j’ai fait de leur île pour mon séjour en considération de la douceur de leurs mœurs et de la bonté de leur climat. Ils seront l’objet de mon plus vif intérêt ". Il dîne ensuite avec le capitaine Usher. Le vendredi 29, l’Undaunted met à la voile à 11 heures.

Ce 29 avril, Louis le Désiré arrive à Compiègne et sera le 2 mai, à Saint-Ouen, pour recevoir les hommages des maréchaux, Berthier en tête, et des corps constitués…

Ce 29 avril, Marie-Louise et son cortège se dirigent de Gray sur Vesoul. De Vesoul le 30 avril, on atteint le Rhin, près de Huningue. Le 2 mai, Marie-Louise est à Bâle. Un mois s’est passé depuis le départ, le 29 mars, de Paris pour Blois. Un an après Lützen, on franchit le Rhin. Marie-Louise quitte définitivement la France, avec son fils. Le sacrifice est consommé. Sur la rive droite un détachement Suisse attend la souveraine pour l’accompagner jusqu’aux portes de Bâle. "J’eus le cœur bien serré en passant la frontière. Je fis de vœux pour le bonheur de cette pauvre France. Puisse-t-elle bientôt donner quelques fois des sentiments de regrets à une personne qui lui est attachée et qui pleure bien son sort et les amis qu’elle a été obligée d’y laisser "... (Carnet intime)

CAHIERS DE SAINTE-HELENE

Cahiers de Sainte-Hélène, tome I - page 47, le 19 mai 1816 :

« En revenant de promenade, l’Empereur est rentré chez lui avec Mme Bertrand, le grand Maréchal et Las cases. Il a parlé de l’Impératrice Joséphine. « Elle était pleine de grâces, au lit comme ailleurs, ne quittait jamais son mari et voulait coucher avec lui, parce qu’elle en connaissait l’importance et que c’est là qu’on exerce son influence. Une femme qui veut exercer de l’influence sur son mari doit toujours couché avec lui. En effet elle ne le perd jamais de vue, douze heures de nuit sont d’abord la moitié de la vie. Elle le voit quand il se lève, quand il se couche, elle le voit à déjeuner, à dîner. Rien ne lui échappe. C’est aussi une chose de bonnes mœurs.

L’Impératrice était jalouse, mais la jalousie venait de la politique et non de l’amour. Elle craignait le divorce, qui la rendait tourmentante. L’Impératrice Joséphine était jolie, bonne mais menteuse et dépensière au dernier degré. Son premier mot était : Non, sur la chose la plus simple, parce qu’elle craignait que ce fût un piège. Elle revenait ensuite. Les marchands avaient ordre de ne dire que la moitié de ses dettes, de manière qu’après avoir payé un million, on croyait que c’était fini. Pas du tout ! Elle prétendait toujours qu’elle ne devait rien et ne demander pas d’argent, mais il fallait payer. Elle avait un caractère tout à fait opposé au mien : elle aimait tout, les diamants, les bijoux, les tableaux. Moi, rien… »

L’Impératrice Marie-Louise, au contraire, était la vertu même, ne mentait jamais, avait beaucoup d’ordre et demandait de l’argent quand elle en voulait, ce qui m’était agréable. Je n’ai jamais couché avec elle, qui était trop jeune pour mettre à cela beaucoup d’importance ; Pas même la première nuit de mes noces, je la quittai à trois heures du matin. Je lui demandai le soir de son arrivée à Compiègne si elle se croyait mariée et ce qu’on lui avait dit à Vienne. Elle répondit : « De faire ce que vous voudrez ». En ce cas je reste ici, dis-je. Et je consommai le mariage comme l’avait fait Henri IV. L’Impératrice n’aimait pas qu’on se relevât la nuit, même pour la petite affaire. Elle avait la manie de n’avoir jamais de feu chez elle, de sorte que moi qui me levais toutes les nuits, j’en étais incommodé. Ce motif m’a empêché plus de vingt fois de descendre chez l’Impératrice. C’est une chose dont une bonne dame d’honneur lui aurait fait sentir l’importance, parce que ce n’était qu’une petite manie  dont il était aisé de se défaire. La duchesse de Montebello s’est mal conduite. C’était une femme sans usage. Il eût fallu Mme de Montesquiou ou Mme de Beauveau, une femme de l’ancien régime, parce que, quand le n’aurait pas su par elle-même, la famille aurait tenu conseil et aurait appris ce qui était autrefois d’usage ».

Cahiers de Sainte-Hélène, tome I - page 249 :

John Hobhouse, dans ses Lettres écrites de Paris, parle des rapports de l’Impératrice Marie-Louise avec Napoléon. La traduction publiée en 1817, à Gand et Bruxelles, est parvenue à Sainte-Hélène. Dans les Cahiers de Sainte-Hélène, le général Bertrand écrit à la date du 26 juillet 1817 : « L’Empereur déjeune dans le jardin et fait appeler le Grand Maréchal. Celui-ci a lu dans Lettres écrites de Paris par John Hobhouse que l’Impératrice a dit à une Anglaise qu’elle a été fort heureuse avec l’Empereur et que n’eût-il été ni un empereur ni un grand homme, elle l’eût préféré à tout autre dans le monde. « Je pense que ce propos est vrai, mais qu’elle n’a dû le tenir qu’à la princesse de Galles, parce que la vanité autrichienne ne lui aurait pas permis de s’en ouvrir à une autre. J’ai été effectivement un bon mari et très bon pour elle. Peu d’hommes ont été meilleurs maris que moi. Très gai au lit, je la faisais rire quelque fois à gorge déployée, je jouais beaucoup avec elle au lit…»

Voilà qui est rassurant et réconfortant, tant cette Impératrice est désormais détestée et le mot est faible. Les vieux clichés ont la dent dure et durent. Mais, quand on se donne la peine de regarder de plus près, on s’aperçoit que méconnue, Marie-Louise, gagne à être connue. Pour s’ouvrir les yeux, il faut et il suffit de visiter son Musée Lombardi à Parme. "

 

MARIE WALESKA

Marie-Louise est aux thermes d' Aix-les Bains, pour rétablir sa santé. Comme Aix se trouve en France l'été 1815, elle est à peine tolérée par le gouvernement français, mais n'a pu emmener son fils. Trop dangereux, Aix est un repaire de Bonapartistes. Pendant le séjour d’Aix, une lettre de Talleyrand arrive à Vienne dans laquelle il se plaint des inconvénients occasionnés par le séjour de Marie Louise en territoire français. Également, arrive un rapport du Feld-marshall de Bellegarde concernant les relations entre l’île d’Elbe et l’Italie, y compris Naples, où règne Murat. Metternich est donc obligé d’abréger le séjour, qui risque de compliquer les relations internationales, rendant le retour à Vienne inéluctable. Le départ d'Aix est décidé, pour le 5 septembre. Le 24 août, Adam Neipperg pense sa mission terminée et demande par courrier à l’Empereur François II, d’être relevé de ses fonctions et sa réintégration à l’armée. Mais le 5 septembre, Neipperg écrit une autre lettre à Vienne : " Sa Majesté ayant désiré que je l’accompagne à travers la Suisse, j’agirai conformément à ses ordres, mais une fois arrivé sur les frontières de ce pays d’où elle continuera sa route pour Schönbrunn accompagnée du comte Karanzay et des personnes qui ont l’honneur de se trouver à sa suite dans son voyage, je demande très humblement et très instamment la permission de pouvoir m’en retourner, par le Simplon, à ma division d’Italie ".

Un coup de tonnerre va troubler le voyage de retour. Les cours de Vienne de Londres et de Paris apprennent, par télégraphe, l’arrivée de la comtesse Waleska et de son fils à l’île d’Elbe, le 1er septembre. La nouvelle parvient à Marie-Louise lors de son passage à Sécheron, près de Génève, probablement par l’intermédiaire de Mme de Brignole l’amie de Talleyrand. En réalité, Marie Waleska n'allait à pas sur l'île d'Elbe, elle allait à Naples pour demander l’argent du majorat de son fils. Un gros coup de vent à obligé son bateau à se dérouter. C'est pourquoi Marie Waleska se trouve à l'île d'Elbe, elle arrivera à Naples le 15 septembre.

La nouvelle a fait le tour de l’île. Les Elbois pensent que c’est l’Impératrice Marie-Louise, qui est enfin arrivée...Une épouse ne peut oublier certaines choses. " Ah ! Cette visite de la Waleska et de son fils, comme elle brûle dans mon âme ! " écrit Marie-Louise dans son journal. Maintenant les doutes l’assaillent. Elle se remémore les rumeurs racontées par Constant et ce que lui susurre Mme de Brignole sur les amours incestueux de Napoléon et de Pauline. Qu’irait-elle faire à l’île d’Elbe ? Passer après la Waleska ? Succéder à une maîtresse auprès d’un mari qui a eu l’indécence de lui envoyer comme porteur de lettres le propre frère de cette Waleska, le colonel Lanczinsky ? Elle écrit sa colère à la maréchale Lannes, pour lui dire qu’elle n’ira pas à l’île d’Elbe...

Cahiers de Ste Hélène Tome I - page 23 : " L’amie de Napoléon avait reçu, en mai 1812, sous forme d’un majorat une dotation sur Naples. Lorsque Mme Waleska s’est présentée pour avoir sa dotation, il l’a promise, mais n’a rien tenu et l’a traitée froidement. Lorsque le brick est venu porter la nouvelle du débarquement en France, le soir même, il été lui faire une visite en habit de Maréchal et lui porter le décret qui lui rendait sa dotation, en disant qu’il était fait depuis quelques jours, que c’était une négligence des ministres. Depuis il la combla d’attentions, lui faisant la cour comme en Pologne, à ce point que la comtesse Waleska en était humiliée pour lui. Ce changement de conduite était visible et choquant pour toute la cour. En arrivant en France Mme Waleska me conta cela. Ce dernier trait de lâcheté m’indigna tellement qu’il combla la mesure dans mon esprit et m’empêcha probablement d’appeler Murat à Waterloo, où il aurait commandé la cavalerie. Qui sait, s’il eût commandée, ce qui serait arrivé et l’influence que cela pouvait avoir sur mes affaires ! "

Pourquoi Napoléon a-t-il abandonné sa Marie-Louise à Blois, quand il était encore temps de la faire venir à Fontainebleau ? Une rumeur que l'on répugne à étaler ici, mais Jean Tulard en a parlé il y a peu dans une émission. On a vu que Napoléon à Fontainebleau n'appelle pas Marie-Louise pourtant pas très éloignée à Blois ou Orléans.  Certains disent que Napoléon souffre d'une maladie honteuse qu'il ne peut révéler à son épouse. Je ne crois pas à ces ragots et pourtant le commissaire Prussien, Waldbourg-Truchess, qui accompagne lors de la descente de Fontainebleau à Fréjus pour aller à l'île d'Elbe en fait mention.Si ce commissaire le sait, Metternich le sait...

laroutenapoleon@yahoo.fr
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